Privatisation : Et le référendum là-dedans ?




AL participe au Comité de mobilisation contre la privatisation de la Poste, mais est très réservée sur son principal axe d’intervention.

Le Comité national de mobilisation contre la privatisation de la Poste (CNMPP), qui rassemble notamment Sud, la CGT, la CFDT, soutenus par le PCF, le PS et les Verts [1], Attac, la LCR et AL, explique son appel constitutif que « les citoyens doivent pouvoir décider de l’avenir de La Poste par référendum », le débat public devant donner plus d’espace aux « nécessaires mobilisations des postières et des postiers ». Et le texte de faire référence à l’article 11 de la Constitution récemment modifiée, censé ouvrir la possibilité d’un « référendum d’initiative populaire ».

Le débat citoyen à la rescousse de la lutte de classe… Que penser cette idée ?

Pour AL, c’est s’engager un peu à la légère dans une démarche à double tranchant. Le référendum est une arme ambiguë, et il est rare qu’on puisse le retourner contre le pouvoir comme en mai 2005. Dans une société de classes, un référendum est toujours à la fois bourgeois et populaire. On invite l’ensemble de la population à se prononcer sur un sujet qui n’intéresse qu’une partie de la population. En matière de service public, ce sont les classes populaires, les populations rurales et des banlieues déshéritées qui sont intéressées au premier chef. Pourquoi inviter les riches et les populations de centre-ville à se prononcer alors qu’elles auront toujours, elles, un bureau de poste – privé ou public – à proximité ? Accepterait-on qu’une lutte contre la fermeture d’une école ou d’un hôpital soit escamotée au profit d’un scrutin où les clients de cliniques et d’écoles privées viendraient participer à la décision ?

Il n’y aura pas de vox populi

Heureux paradoxe, la modification de la Constitution a justement rendu le référendum d’initiative populaire impossible !

En effet, l’objet du référendum doit être rédigé sous forme de proposition de loi, soutenue par un cinquième des parlementaires (184) et un dixième du corps électoral (4,5 millions de pétitionnaires). Mais il suffit à l’Assemblée d’inscrire la proposition de loi à son ordre du jour – et de la rejeter illico – pour annuler toute la procédure référendaire. Or on se demande bien pourquoi le Parlement se dessaisirait de cette prérogative au profit d’une consultation populaire, vu le traumatisme laissé chez les politiciens par le « non » du 29 mai 2005. La vox senatus prévaudra donc systématiquement sur la vox populi !

Ne pas se bercer d’illusions

Le seul intérêt de cette histoire de référendum, c’est de faire levier pour mobiliser l’opinion en faveur de la défense du service public, pour créer des comités d’usagères et d’usagers, pour soutenir les travailleuses et les travailleurs qui vont devoir engager la lutte. Pourquoi pas puisque, hormis dans certains secteurs comme les centres de tri, la combativité à la Poste n’est pas celle qu’on pourrait attendre, et les mouvements de ces dernières années l’ont démontré. Face à la démoralisation des salarié-e-s, marteler exclusivement le mot d’ordre de « grève reconductible » serait la plus sûre façon de n’être pas entendu. Les postières et les postiers ont besoin de se sentir soutenus par un mouvement populaire qui les dépasse.

Mais il s’agit de n’éveiller aucune illusion sur un référendum impossible. Or trop de syndicalistes sont flottants sur la question, y compris au sein de Sud-PTT. Autant donc que le CNMPP le dise clairement, ce référendum ne peut être qu’un élément symbolique de sa campagne, comme peuvent l’être les « votations citoyennes » en faveur du droit de vote des immigré-e-s.

Les deux seules choses qui peuvent sauver le service public postal, c’est le développement d’un mouvement populaire en sa faveur, et le rapport de forces créé par les postières et les postiers eux-mêmes.

Germinal de Sousa (AL Orléans), Édith Soboul (secrétariat fédéral d’AL)

[1Ces trois partis avaient par ailleurs « ouvert le capital » de France télécom en 1997, piétinant les promesses électorales qu’ils faisaient quelques semaines auparavant.

 
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