Quand l’Éducation nationale se vend à la Connex




Junium entreprise de Véolia Environnement et la Connex, entreprise de Véolia Transports (Véolia, c’est le nouveau nom de Vivendi) s’attaquent à l’Éducation nationale. Non contents de se développer grâce à la déréglementation, ces entreprises tissent leur toile en développant la communication d’entreprise en lieu et place de l’enseignement au sein même de l’Éducation nationale.

Bon, le gouvernement de Villepin n’a pas encore décidé de confier à ces fleurons du capitalisme la gestion de l’Éducation nationale. Mais il faut savoir que ces entreprises développent un partenariat de plus en plus actif avec l’Éducation nationale pour le plus grand bonheur du patronat et du gouvernement.

Junium est du reste spécialisé dans la communication avec les jeunes. Elle se fait le porte-voix des entreprises qui veulent s’adresser aux jeunes pour “ rendre leur cerveau disponible ” à leur message. Ainsi, elle a par exemple à son actif plusieurs conférences dans les écoles primaires pour vanter la politique de développement durable d’EDF qui passe notamment selon elle par le développement de l’énergie nucléaire.

Mercredi 30 novembre 2005, Junium et Connex donnaient une conférence à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Saint-Denis sur le thème : Transports et développement durable. Environ 200 étudiant(e)s et enseignant(e)s stagiaires de l’enseignement professionnel et technique de cet IUFM ont assisté à cette opération de communication d’entreprise.

À noter que la participation aux conférences qui se tiennent à Saint-Denis sont obligatoires (à raison de trois pour une année) pour les enseignant(e)s stagiaires car elles entrent en compte dans la validation de leur année d’IUFM et donc dans leur titularisation. Cela ne les dispensait pas pour autant de réagir plus vivement mais la plupart ont préféré assister passivement à ce show de communication patronale.

Il est utile de noter que les IUFM, faute de moyens, doivent faire face à une restriction de leur volume horaire, une austérité qui n’atteint pas la communication d’entreprise, bien au contraire.

La représentante de Junium a mis en évidence le fait que l’école primaire était une cible prioritaire pour son entreprise et que les conférences s’inscrivaient dans le cadre de l’apprentissage des droits et devoirs des citoyens !! L’éducation civique aux couleurs du capitalisme… c’est de mieux en mieux.

Pour M. N’Guyen, le représentant de la Connex, l’action de son entreprise s’inscrit dans le cadre de la libéralisation des transports. Il a indiqué que son objectif était d’acquérir d’ici 2020 une place prépondérante dans le fret ferroviaire et de concurrencer sur ce terrain la SNCF. La Connex entend s’inspirer du modèle suisse et développer le ferroutage pour son propre compte. Autre cible de ces affairistes, le transport fluvial.

Le "développement durable" comme cheval de Troie

La société Onyx de Véolia est en train de gagner des marchés dans le secteur du transport fluvial, promis à un beau développement dans la mesure où il est moins polluant que la route et que la flambée des prix du pétrole le rend plus compétitif. Ainsi l’ouverture du canal Nord-Europe, en cours d’aménagement, va permettre de relier l’Oise à l’Escaut, ouvrant la possibilité de développer les transports avec le Benelux et l’Europe rhénane, ce qui constitue sans doute un gros marché à venir pour Onyx.

Toute la démonstration visait à montrer que le développement durable était le cheval de Troie par lequel Véolia entendait conquérir les marchés des transports dans les deux prochaines décennies. Cela comprend donc les trains, les péniches, les voitures et les autobus électriques, mais aussi les véhicules utilitaires (développement des services aux personnes, par exemple transporter les malades de chez eux à l’hôpital comme cela se fait déjà avec le centre anticancéreux Gustave-Roussy à Villejuif).

Enfin, étron sur le gâteau, je vous fais part des réflexions qui sentent bon “ l’aspect positif ” de l’impérialisme et la recolonisation du monde de la part de la représentante de Junium qui a expliqué que le transport est un droit mais que le développement de l’automobile en Chine est à la fois une fatalité et quelque chose d’effrayant. Le fait que les États-Unis soient le plus gros pollueur de la planète ne lui pose en revanche aucun problème puisqu’elle ne l’a pas même évoqué.

100 % AGCS

De même, elle a parlé de façon totalement méprisante de la situation des transports urbains dans les pays du Sud en donnant l’exemple de la Colombie et en expliquant que ces pays-là étaient incapables de gérer correctement leur réseau de transports. Elle a montré, preuve à l’appui, un montage sur la circulation "anarchique" (sic) de Bogota, saturée du fait de sa surpopulation. Mais c’est bien connu, la circulation à Paris a toujours été fluide, et la France, phare de la civilisation, n’a de leçon à recevoir de personne.

Les prédateurs des services publics comme Véolia et consorts ne se contentent pas de convoiter les entreprises publiques, c’est bien l’ensemble des services publics qui sont aujourd’hui visés. Cette stratégie est celle qui inspire l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), autrement dit la boussole des États qui négocient à Hong Kong en ce moment le traité de brigands qui doit régir les relations commerciales internationales pour les années à venir et servir de base juridique aux gouvernements qui voudront liquider un peu partout ce qu’il reste de service public.

L’éducation se trouve au centre de ces attaques. La menace n’est pas devant nous, elle est bien là. Nombre de chefs d’établissements scolaires du primaire au supérieurs, acquis au libéralisme et sensibles à un partenariat avec les entreprises dans un contexte de désengagement de l’État sont prêts à dérouler le tapis rouge devant les patrons pour espérer récupérer quelques miettes de leur festin.

Les patrons qui avaient au tournant du siècle fait appel à l’État pour qu’il organise un enseignement professionnel répondant au besoin de formation d’une main-d’œuvre qualifiée souhaitent influer de plus en plus sur les contenus de ces formations non seulement dans les matières professionnelles mais aussi dans les matières générales. Ce n’est pas en ignorant ces prétentions mais en les combattant activement que les enseignant(e)s éviteront de faire de l’Éducation nationale une simple annexe de l’entreprise.

C.J.

 
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