Québec : Victoire pour les élus




Après le mouvement social du « printemps érable », la donne politique vient de changer au Québec avec la victoire du Parti québécois. La victoire au moyen d’élections, ne peut satisfaire ceux et celles qui ont lutté.

Il y a encore un mois, la situation sociale québécoise semblait désespérée. Les associations étudiantes en grève diminuaient, les étudiantes et les étudiants retournaient en classe, l’Université de Montréal était envahie par des policiers anti-émeute patibulaires. Du côté politique, le Québec entrait en élection, avec un débat ras-le sol et où les discours sur l’importance d’aller voter prenaient le pas sur tout le reste. Les étudiantes et les étudiants n’avaient plus le contrôle du mouvement pour lequel ils et elles se battaient depuis des mois, et l’issue du conflit dépendait donc du résultat des élections. Il y a un mois donc, les cœurs n’étaient vraiment pas à la fête.

[*Une claque pour les libéraux*]

Et puis le 4 septembre au soir, le Parti libéral du Québec était défait, premier ministre depuis 2003, Jean Charest, chutait. Pauline Marois, cheffe du Parti québécois (PQ), devenait Première ministre de la Province, à la tête d’un gouvernement minoritaire [1]. Comme promis lors de la campagne électorale, elle annule hausse des frais de scolarité et la loi 78 [2]. Les rares concessions du gouvernement Charest, la bonification du système de prêts et bourses, est maintenue. Conformément à l’une des revendications de l’hiver dernier, un sommet de l’éducation aura lieu dans les prochains mois.

A ce titre, il est légitime de dire que la grève étudiante de 2012 est victorieuse sur tous les plans : la hausse est annulée et le Québec est débarrassé d’un des gouvernements les plus corrompus de son histoire. Cela dit, il ne faudrait pas que l’arrivée du PQ au pouvoir provoque un endormissement et le retour du statu quo. L’histoire nous l’a montré, le PQ est au même titre que le Parti libéral capable de politiques rétrogrades et antisociales.

Les mouvements sociaux doivent donc rester sur leurs gardes et ne pas se laisser berner par la nouvelle façade. Pauline Marois a d’ailleurs annoncé que si elle annulait la hausse prévue par le gouvernement précédent, son parti défendrait une indexation des frais de scolarité sur l’inflation. L’éducation reste aux yeux du gouvernement une marchandise dont le prix augmente au gré des prix, au même titre que celui des Ipod et des croquettes pour chats. Bref, la victoire du mouvement étudiant n’est que temporaire, et la mobilisation devra probablement reprendre dans les années à venir.

[*Des luttes qui politisent, sans illusion*]

Cela dit, l’une des grandes victoires du mouvement « érable » est le fait d’avoir tiré le débat politique vers la gauche, et surtout le PQ, ne serait-ce qu’un peu. Le PQ n’a pas de ligne idéologique claire (à part l’indépendance), ses orientations dépendent des rapports de force internes. Si depuis des années le parti avait de lourdes tendances libérales et ne se distinguait guère du Parti libéral, les mouvements sociaux et les luttes des dernières années (écologistes contre les gaz de schistes, accessibilité aux soins de santé) ont favorisé l’orientation du débat politique au Québec sur un axe gauche-droite. D’autant plus que le Parti libéral a aussi favorisé la polarisation du débat, permettant au PQ de s’affirmer comme alternative « progressiste » à un gouvernement antisocial.

Bref, il ne faut pas se faire d’illusion, si le PQ agit ainsi, c’est grâce à la pression mise par le mouvement social qui a débuté l’hiver dernier. Sans cela, il est certain que de telles mesures n’auraient pas été mises en place. Tant mieux, mais il faut rester sur nos gardes et maintenir la pression. D’autant plus que l’attitude de la police sous le PQ ne risque pas de changer : le 22 septembre, lors d’une manifestation en faveur de la gratuité scolaire, la répression s’est faite encore une fois à coups de matraques et de gaz. Comme quoi, plus ça change, plus c’est pareil...

Clémence (Québec)

[1Au Québec, les élections fonctionnent par un scrutin uninominal à un tour. Ce qui fait que sur quatre candidats, si le premier ou la première n’a que 22%, c’est lui ou elle qui est élu. Le parti qui a le plus de député-e-s forme le gouvernement, mais il se peut qu’il n’ait pas la majorité de la chambre : il forme donc un gouvernement minoritaire.

[2Voir Alternative Libertaire numéro 218 de mai 2012

 
☰ Accès rapide
Retour en haut