Sans-papiers : Un vent nouveau souffle sur Lille




Depuis 1996, année de sa création, le Comité des sans-papiers du Nord (CSP 59) a su mener à la victoire treize grèves de la faim. La version 2007 a hélas échappé à cette règle. Mauvaise stratégie des sans-papiers ou acharnement des pouvoirs répressifs ? Le rapport de force s’est en effet retourné au profit de la préfecture mais le mouvement, loin d’être vaincu, cherche de plus belle à s’unifier.

Alors que certains se pavanaient sur les plateaux TV pour débattre de l’avenir de la France, le CSP 59 organisait sur la métropole lilloise une série d’occupations de lieux symboliques. Alors que certains débitaient leurs mensonges en toute liberté, d’autres se faisaient durement réprimer. Les uns se font élire, les autres refouler en centre de rétention. Combien de temps encore ?

Pouvoir assassin !

C’est sous le coup d’une ultime injustice que le 15 juin, menacés d’expulsion pour avoir cherché à se faire entendre, soixante sans-papiers décident d’entamer une grève de la faim pour gagner leur liberté. Mais très rapidement, la préfecture pose ses conditions.

L’évacuation musclée de la bourse du travail, après une semaine d’occupation, laissait ainsi présager une lutte éprouvante : trois rafles, autant de passages en centre de rétention et dans les tribunaux. À chaque intervention, son lot de violences, tant physiques que symboliques. Dispersion des grévistes. Collaboration du Samu et des hôpitaux. Expulsions anticipées. Des associations traîtresses sont ensuite envoyées pour briser la solidarité.

C’est bien le couteau sous la gorge que les sans-papiers ont dû accepter, après plus de 70 jours de grève de la faim, les accords préfectoraux. Leurs dossiers seront réexaminés au cas par cas, mais avec toute la bienveillance de l’Etat. Retour à la case départ. L’attente et la peur, bref le quotidien des sans papiers. A l’heure actuelle, seuls cinq anciens grévistes ont été régularisés.

Dès l’arrivée du préfet Daniel Canépa en 2006, un vent de sarkosysme s’est répandu sur la région. Ex-directeur adjoint du cabinet de Sarko et ex-secrétaire général du ministère de l’Intérieur, le préfet avait intégré sa mission avant même de mettre les pieds dans le Nord : la mort politique des sans-papiers et la fin des accords Delarue de 2004, jugés « indignes » pour la République.

Abonnée à la « bonne parole » de Sarko, la préfecture ne pouvait donc prétendre à une quelconque « indépendance politique ». C’est pourtant ce prétexte que Canépa invoqua pour mettre en suspens le traitement des dossiers. Subtilité étatique dirons-nous, car ce principe ne l’a jamais empêché de traquer, réprimer et expulser des militants et des militantes sans papiers.

Pris entre deux feux, l’élection de Sarkozy ne pouvait donc que le soulager d’un poids. Avec le projet Hortefeux, il voyait se refonder le système de traitement des dossiers, genre « ministère régional de l’Immigration choisie et du Culte patriote » et ainsi créer une cellule de concertation ouverte aux associations humanitaires et de codéveloppement. La lutte politique deviendrait gestion technique ; les sans-papiers ne seraient plus acteurs de leur intégration mais de simples dossiers, classés « main-d’oeuvre bon marché » ou « immigré à expulser ».

Unité, unité !

Pour atteindre son but, il ne lui restait qu’une cible à abattre : le CSP59, le porte-voix des sans-papiers. Avec cette lutte estivale, il ne l’a pas loupé. Le comité s’est vu discrédité par les pouvoirs et a fini par perdre sa place dans les négociations avec la préfecture. La trêve est rompue. Une lutte nouvelle s’annonce.

Si le retour de boomerang a été pénible pour l’ensemble des militants et des militantes, un bilan collectif a permis de mettre en avant la solidarité nouvelle crée autour des grévistes, à l’échelle locale comme internationale.

Toujours présents, les syndicats (Solidaires, CGT, CNT) et organisations politiques (JC, LCR, AL) ont su créer, malgré les faibles effectifs, des dynamiques mobilisatrices là où le CSP 59 n’avait pas d’assise.
Mais le nouveau souffle provient surtout des soutiens individuels qui ont pris part à cette lutte et plus encore des habitants des quartiers où campaient les grévistes de la faim, à Roubaix et Tourcoing. Témoins des mesures répressives de l’État, ils ont su user, même modestement, de leur droit de résistance.

C’est sur ce soutien populaire que comptent désormais s’appuyer les sans-papiers pour élargir leur champ de communication et de mobilisation : organisation des soutiens, création d’un comité roubaisien et occupation régulière de l’espace public. Encore en discussion, ces propositions marquent un tournant pour le mouvement lillois.
Autre forme de solidarité inédite : les soutiens à l’international. Ils ont éclaté au grand jour avec l’agression des policiers français en Guinée le 16 août dernier. Ils ont été plus discrets mais tout aussi importants au Maghreb où le sort des sans-papiers – jusqu’alors tabou – a été largement médiatisé.

Loin de s’avouer vaincue, la lutte prend donc un nouveau départ qui devrait permettre à de nouveaux acteurs d’entrer en lutte. Notamment les femmes qui ont su prendre position dans les moments de crise et porter haut les revendications.

Cependant la suite du mouvement repose essentiellement sur les efforts d’ouverture que consentira le CSP, à l’échelle locale et nationale, pour créer un front unitaire capable de réclamer purement et simplement la liberté de circulation pour toutes et tous.

Perrine (AL Lille)

 
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