Tsiganes : La lutte des sans-places




Aujourd’hui, rares sont les organisations politiques qui prennent en compte la question tsigane en France. En général, ce qui domine, c’est l’ignorance et l’incompétence. Or, les lois sur la sécurité intérieure attaquent violemment le mode de vie des nomades du pays.

 

Parler des lois Sarkozy, c’est aussi parler d’une lutte menée par les tsiganes pour continuer à vivre librement. Pour circuler, il faut pouvoir stationner. Cette logique, production du simple bon sens, ne semble pourtant pas être comprise par les instances publiques. Pourquoi ? Pour le comprendre, il faut se pencher sur la condition nomade en France

Les tribus roms, manouches, sintis, gitanes « nomadisent » pour travailler. Leur nomadisme répond à des prérogatives économiques : faire les saisons, changer de « niches » économiques (ou marchés) pour vendre un savoir-faire (ravalement de façade, rétamage, forains, artisanats divers, « micro-entreprises », intérim, etc.). Trop souvent on oublie que les tsiganes sont parfois simplement chômeur(se)s comme d’autres. Les mutations structurelles, rapides et permanentes ont laissé sur le bord de la route de nombreux travailleur(se)s depuis la second guerre mondiale. Les tsiganes n’échappent pas à ce phénomène. Le « monde tsigane » est très stratifié, diversifié culturellement et socialement.

 

Nomadiser c’est se rassembler

Nomadiser c’est se rassembler : rassemblements familiaux (décès, naissances, maladies), cultuels (pente- côtistes, catholiques). Ces derniers rassemblements cultuels ont une fonction vitale pour la cohésion des groupes familiaux, des tribus, des fractions. Il est logique que les organisations politiques soient prudentes vis-à-vis d’organisations religieuses. Mais comme pour la complexe question juive, il faut faire preuve de discernement quand il s’agit de la question tsigane. Il est nécessaire que les associations, organisations politiques, etc. fassent l’effort de comprendre les tsiganes sans les condamner pour leur adhésion religieuse. Le mouvement pentecôtiste a une grande capacité de mobilisation et a tendance à se pencher de plus en plus sur les questions sociales et politiques posées par une population inquiète. Ce mouvement religieux a permis à une partie d’entre eux de s’unir, de s’auto-instituer, la République française ne leur ayant jamais permis jusqu’à aujourd’hui de trouver une place qui leur convient. Le mouvement révolutionnaire juif du Bund se devait de faire la part des choses entre les anciens, les plus croyants, plus difficiles à convaincre de la pertinence des idées socialistes, et les plus jeunes, les moins croyants.

Parfois les « tsiganes de France » regardent avec une certaine méfiance, voire avec mépris, les Roms qui arrivent de l’Est. Ils ont simplement peur que les faits relatés par les médias (trafics, mafia...) noircissent encore un peu plus les représentations des gadjé. Mais si on aborde le sujet, et qu’on leur rappelle leurs propres origines, ce qu’ont vécu leurs parents ou grands-parents, ils sont bien obligés d’admettre que dans le passé, ils ont souffert autant que les Roms qui arrivent de Roumanie.
Pour de nombreux tsiganes, l’article 19 de la Loi Sarkozy est une conséquence de l’arrivée des Roms de l’Est. C’est en partie une mauvaise interprétation des faits. En fait, une démographie galopante de cette population a augmenté leur nombre et également l’importance numérique des grands rassemblements familiaux et religieux, mais aussi les problèmes sociaux. La conséquence est une augmentation parallèle des réactions d’ostracisme. La loi de Sarkozy vient avaliser ces réactions irrationnelles.

 

La loi Sarkozy criminalise un mode de vie

Cette loi est populiste. Notre société démontre sa capacité barbare à fustiger une population pour en faire un bouc-émissaire lorsque l’on passe une période de crise sociale, économique et surtout, de représentativité politique. Criminaliser le mode de vie des tsiganes, c’est prendre le chemin d’une guerre sociale contre une minorité ethnique souvent touchée par une grande pauvreté. Les tsiganes ne faisaient déjà plus confiance aux institutions politiques de ce pays, trop de promesses non tenues ont fini d’épuiser l’espoir de nombreuses familles de voir une progression sociale réelle. Les aires d’accueil dans les communes de plus de 5 000 habitants peuvent être un progrès certain. Mais si cette progression ne s’accompagne pas d’une compréhension accrue et donc d’une reconnaissance et d’une acceptation de leur singularité, ce qui signifie de réfléchir avec elles/eux à la diversité de l’offre nécessaire en matière de stationnement pour répondre à une demande sociale urgente, alors une grande partie des Roms, des Manouches, des Sinti, des Kalé (gitans), des Yéniches, continueront à dégringoler socialement.

Aujourd’hui, il devient de plus en plus difficile de négocier avec les mairies un lieu pour stationner. Pour beaucoup de tsiganes la sédentarisation c’est la mort sociale.

La manifestation tsigane du 17 janvier 2003 est historique. Il est nécessaire de multiplier les occasions de dialoguer et de lutter avec eux.

Les militant(e)s ne sont pas forcément dépourvus elles/eux-mêmes de préjugés négatifs qu’il leur faudra dépasser en apprenant à les connaître. L’actualité politique contribue, paradoxalement, à favoriser le dialogue avec les familles, les tribus. Les associations du type DAL, Droits devant !!, et d’autres ont un rôle à jouer mais aussi les organisations libertaires pour leur permettre de rencontrer une nouvelle voix.

Régis (AL Brest)

 
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