Université : De la licence au licenciement




En 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) rendait les universités « autonomes » : elles étaient ainsi mises en concurrence dans le recrutement des étudiantes et des étudiants comme dans la chasse aux financements publics et privés. La suite, 4 ans après.

La « professionnalisation » s’est ajoutée depuis la loi LRU aux missions officielles des universités. Mirage consistant à faire croire aux étudiants et aux étudiantes qu’ils seront mieux préparés au monde du travail, il s’agit en fait pour les entreprises de participer à la définition des formations, afin de sous-traiter gratuitement au service public l’adaptation des diplômé-e-s aux postes précis pour lesquels ils et elles seront employé-e-s, et aux formes d’exploitation à subir. Le 11 août dernier, soit quatre ans jour pour jour après la promulgation de la LRU, un nouvel arrêté régissant les études de Licence a été publié, qui inscrit cette logique au cœur du premier cycle de formation universitaire.

[*Le règne de la sélection*]

Aujourd’hui, la licence, avant-poste de la prétendue démocratisation de l’enseignement supérieur, est la grande laissée pour compte de l’Université. Rien n’y est fait pour endiguer l’échec, qui touche un étudiant sur deux. C’est le règne de la sélection sociale, où l’on éjecte tous ceux qui ne peuvent s’adapter à des conditions d’études déplorables : amphis et TD surchargés, pédagogie élitiste, anonymat général et absence de lieux de vie, campus dégradés, méandres bureaucratiques, précarité des étudiants et des étudiantes, contraints de se salarier pour la moitié d’entre eux, au détriment de leur travail universitaire.

La réforme de la Licence, qui devrait s’appliquer d’ici à 2014, sous couvert de lutte contre l’échec en premier cycle, s’emploie à aggraver cette situation, qui participe directement au renforcement des inégalités sociales. Elle prévoit ainsi d’augmenter le nombre d’heures de cours, à moyens constants. Cela ne pourra se faire qu’en fermant ou en fusionnant des filières, et en faisant exploser le nombre d’étudiants et d’étudiantes par cours. Les salarié-e-s, qui ne peuvent généralement assister à tous les enseignements, en seront d’autant plus pénalisés.

Dans la même logique, chaque cursus de Licence comprendra désormais un stage, obligatoire ou facultatif. S’ils sont sources d’inégalités entre les étudiants, ces stages sont en revanche une aubaine pour les patrons, puisqu’ils leur fournissent une main d’œuvre gratuite ou presque.

[*La dernière pièce du puzzle managérial*]

La conséquence de l’intrusion des entreprises dans l’Université, ce sont des diplômes désormais définis par un socle de compétences, à la manière de ce qui a été mis en place dans l’enseignement primaire et secondaire. Cette approche par compétences renvoie, dans le cadre de la promotion de l’employabilité, à des notions floues définies d’en-haut par l’État et le patronat : autonomie, capacité à communiquer et à travailler en équipe... Autrement dit, au lieu d’acquérir des savoir-faire pour des métiers, nous serons supposés faire preuve de compétences essentiellement comportementales : « savoir-être », savoir se vendre et se plier aux exigences managériales de flexibilité et de polyvalence.

Cette réforme de la Licence s’inscrit donc dans une logique qui, de l’école à l’entreprise, est en train d’achever une transformation fondamentale de notre rapport au travail. Au niveau de la formation, du recrutement et du management des salarié-e-s, il s’agit de substituer le fichage individuel et l’approche par compétences aux certifications collectives, qui articulaient des diplômes, des métiers et des droits. Il s’agit aussi d’inscrire dans l’enseignement la standardisation des comportements, qui ne s’étend plus seulement aux gestes productifs mais aussi aux manières d’être dans l’entreprise. Raison de plus pour qu’enseignants, enseignantes, étudiantes, étudiants, et salarié-e-s, se saisissent ensemble de ces questions. Dans les universités, un travail d’information et de mobilisation prend forme, notamment avec des syndicalistes de Sud étudiant et de la FSE.

Julie, Ben (AL Paris Nord-Est), Aurélien (AL Paris Sud)

 
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