représentativité syndicale : « Valeurs républicaines » : premiers jugements




La loi du 20 août 2008 portant « rénovation de la démocratie sociale » vient modifier profondément les règles du jeu syndical en entreprise. Inséré dans cette loi, le « respect des valeurs républicaines » suscite la méfiance depuis plusieurs mois, du fait des risques d’instrumentalisation par le patronat pour se débarrasser des syndicats de lutte [1].

Il faut respecter le critère des « valeurs républicaines » pour prétendre à la représentativité [2], participer aux élections professionnelles [3], constituer une section syndicale en entreprise, et donc désigner un représentant de section syndicale [4]. C’est cette dernière hypothèse qui pose problème : elle place les syndicats Sud et CNT en première ligne des attaques des employeurs œuvrant contre toute présence syndicale révolutionnaire.

Ce critère central, adopté lors de la position commune du 9 avril 2008, avait dès lors été défini comme «  le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ».

L’expression fait référence à la création en 1995 d’un syndicat Front national police. La Cour de cassation affirmait à l’époque qu’un syndicat « ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ni agir contrairement aux principes de non-discrimination contenus dans la Constitution, et les textes à valeur constitutionnelle » [5]. On comprend comment des règles visant à l’origine l’extrême droite sont détournées vers l’extrême gauche, au détriment de toute légitimité historique.
Il reste que les tribunaux n’ont toujours pas cédé à cette argumentation, et il est largement possible de formuler une défense solide face à ces attaques : il appartient à celui qui conteste la validité de ce critère d’en apporter la preuve de non-respect, ce que les patrons ont été incapables de faire jusqu’à maintenant [6].

Comment s’en défendre

Ensuite, les juges ont donné un contenu plus précis aux valeurs républicaines dans une décision récente. Le syndicat attaqué était la CNT [7] : « Le fait pour un syndicat d’avoir pour objet de former et d’organiser les travailleurs pour l’abolition de l’État, de s’interroger sur sa participation aux élections professionnelles au sein des entreprises ou de préconiser l’action directe c’est-à-dire une forme de lutte décidée, mise en œuvre et gérée directement par les personnes concernées n’est donc nullement contraire aux valeurs de la République mais participe d’une action revendicative propre à l’action syndicale. » Leur affirmation se passe de tout commentaire. La décision fait également référence à la Charte d’Amiens de 1906 comme « référence théorique du syndicalisme en France ».

Révolutionnaire et républicain ? Des conceptions semble-t-il complémentaires aux yeux de la justice. À nous de savoir profiter de ce paradoxe.

Sami (AL Paris Sud)

[1Lire notamment l’article « La République contre le syndicalisme », du numéro de janvier 2010 d’AL.

[2art. L.2121-1 du Code du travail.

[3art. L.2314-3 et art.L.2324-4 du Code du travail.

[4art. L2142-1 du Code du travail.

[5Cour de cassation, chambre mixte, 10 avril 1998

[6Rejeté notamment en cour de cassation le 10 février 2010, pour Sud-Santé sociaux dans le Val-d’Oise.

[7Tribunal de Boissy-Saint-Léger, le 11 février 2010.

 
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