Irlande Nous ne paierons pas !




Les dernières mesures d’austérité en Irlande continuent de taper sur la population pour pouvoir renflouer les banques. Analyse de la situation par nos camarades de WSM, organisation-sœur d’AL sur place.

Aujourd’hui, le nœud des luttes sociales en Irlande se situe sur le terrain de l’imposition de nouvelles taxes et charges, fondées non sur les revenus ou les acquisitions, mais sur le lieu d’habitation. Ce projet était déjà mis en place avant que le pays ne soit mis sous tutelle de la Troïka [1], mais a été incorporé dans son programme économique – le fameux « protocole d’accord » – qui régit les possibilités pour l’État d’accéder à ses remboursements trimestriels des fonds de renflouement.

Taxe « fosses septiques »

Les nouvelles taxes et charges prennent tout d’abord la forme de l’impôt sur les charges ménagères (Household Charge) pour l’appeler par son nom officiel, et qu’on appelle en zone rurale : la taxe « fosses septiques ». L’appellation officielle est rejetée par ceux qui résistent au principe que des charges se réclament en paiement d’un service, tandis que ces nouvelles impositions ne servent qu’à rembourser les investisseurs d’un système banquier irlandais complètement détruit. Dans cette main basse sur la banque d’Irlande, il s’agit cette fois, non pas de gens qui volent les banques mais des banques qui volent les gens, de manière à rembourser des investisseurs privés étrangers ou irlandais, qui ont déversé de l’argent dans les banques du pays au moment où l’Irlande avait le plus fort taux de croissance de la zone euro, et où la France et l’Allemagne étaient sous la barres des 1 %.

La taxe ménagère est censée être une « taxe de transition » en vue de mettre en œuvre un nouvel impôt sur la propriété fondé sur la valeur des biens domestiques individuels (difficile à estimer en raison de l’effondrement des cours de ce marché et la faiblesse des cessions). De plus elle doit aussi financer l’installation des compteurs d’eau domestiques en préparation d’une future taxe sur l’eau en 2014.

On prépare la suite...

Pour cette première année, la taxe n’est que de 100 euros par foyer pour les propriétaires qui louent leurs biens propres. Il est peu vraisemblable, même dans le cas où une majorité de personnes payaient la taxe cette année, que les sommes perçues puissent ne serait-ce que couvrir les frais de mise en place de l’agence chargée de la collecter (la Local Government Management Agency). Mais la vraie raison de l’exercice cette année est d’obtenir que les gens s’auto-déclarent sur les listes. C’est aux gens de fournir volontairement les informations dont le gouvernement a besoin pour établir sa base de données et planifier l’imposition. C’est très clair quand on voit que la législation rend obligatoire de répondre à toutes les questions posées au moment de l’enregistrement, notamment sur la consommation d’eau, le nombre de pièces d’habitation...

Mais alors que les frais encourus en cas de non-paiement des 100 euros sont relativement faibles, (pas plus de 40 euros la première année), les amendes dont on menace ceux qui refusent de se faire connaître peuvent monter jusqu’à 2500 euros.

Boycotter le fichage

Une nouvelle résistance à la tentative réitérée d’imposer l’austérité dans le pays, non seulement par la baisse des salaires, mais aussi par l’expropriation, est aussi simple qu’elle est évidente. Une campagne nationale pour boycotter l’inscription sur les listes et refuser de payer la taxe est en voie de construction aussi bien en ville qu’en zone rurale. L’échéance pour l’inscription et le règlement de cet impôt est fixée par l’État au 31 mars. À peine deux semaines avant l’échéance, moins de 300 000 foyers sur les 1 800 000 que compte l’Irlande s’étaient acquittés de cette obligation et l’État est en panique.

Les amendes ne peuvent être appliquées sans une convocation au tribunal, et faire passer plus d’un million de personnes en justice dans un pays qui en compte quatre millions et demi est tout simplement impossible. Une coïncidence symbolique fait aussi que le 31 mars correspond à la date où le gouvernement irlandais doit remettre 3,1 milliards d’euros à la fameuse Anglo-Irish Bank, chiffre vingt fois supérieur à ce que la taxe ménagère devrait rapporter dans le cas où tous les foyers concernés en Irlande la payaient.

Rural, urbain : même combat !

À la résistance à la taxe ménagère s’ajoute celle des habitants de la campagne, remontés contre la taxe sur les fosses septiques et la fermeture d’écoles et autres services publics. Les fosses septiques sont une nécessité pour bien des ruraux qui ne sont pas raccordés aux réseaux d’assainissement. Mais en raison de la corruption et de l’incompétence du gouvernement précédent, qui a ignoré les directives sanitaires européennes sur ces questions, le gouvernement actuel est désormais dans l’obligation de les mettre en œuvre, bien que tardivement, au risque de pénalités quotidiennes de la commission européenne.

Au début, les pouvoirs publics avaient annoncé qu’il en coûterait 50 centimes d’euro à chaque foyer pour qu’un contrôleur établisse la conformité des installations individuelles aux nouvelles normes.

Mais les gens s’inquiètent bien davantage du coût de remplacement d’une fosse (jusqu’à 1 500 euros) pour lequel aucune aide de l’État n’est prévue. Les gens de la campagne qui s’étaient conformés à la mise aux normes précédente, de bonne foi, ressentent cette situation comme une injustice, d’autant qu’ils contribuent aussi au maintien des réseaux urbains, sans recevoir d’aide en retour.

Étant donné que cette imposition sur les zones rurales sert à économiser de l’argent en vue de payer les banquiers, la campagne contre les taxes ménagères et sur l’eau (Campaign Against the Household and Water Taxes) a permis aux résistants « urbains » et ruraux de faire cause commune. Dans sa panique, le gouvernement a ramené les inspections des fosses de 50 à 5 centimes d’euros. Mais comme ça ne résout en rien le véritable problème, c’est sans effet.

Ce front commun entre ville et campagne aggrave le cauchemar du gouvernement et forme un nouveau potentiel pour construire une autonomie de la résistance à l’austérité en Irlande.

Workers Solidarity Movement, organisation sœur d’AL en Irlande

[1Banque mondiale, Fonds monétaire international, Banque centrale européenne

 
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