Livre : Une parole juive contre le racisme




Tandis que les représentants autoproclamés des juifs et des juives légitiment le racisme antiarabe et antimusulman au nom de la défense de l’État d’Israël, il est salutaire que l’Union juive française pour la paix ait publié un ouvrage où tous les racismes et discriminations sont analysés pour être mieux combattus.

À une époque où la parole raciste et même négationniste se libère de plus en plus, où même le Premier ministre israélien Nétanyahou déclare qu’Adolf Hitler « n’avait pas l’intention d’exterminer les juifs », mais qu’il « voulait les expulser » [1], le livre Une parole juive contre le racisme arrive comme un rayon de lumière dans un océan d’horreurs et d’imbécillités réactionnaires.

Écrit par des militants de l’UJFP (Union juive française pour la paix) et édité par Syllepse, cet ouvrage ne défend pas seulement les juifs victimes de l’antisémitisme, mais tous les êtres humains victimes du racisme, musulmans et musulmanes, juifs et juives, Noir.es, Roms, femmes, homosexuel.les, etc., et ce dans une perspective d’états généraux contre le racisme.

Bien qu’il ait été parrainé par le très officiel Commissariat général à l’égalité des territoires, cet ouvrage ne partage aucunement l’idée, majoritairement admise dans les grands médias et dans les milieux gouvernementaux, que ceux qui s’opposent à la politique de l’État d’Israël sont forcément d’horribles antisémites. Dans sa présentation historique, cet ouvrage a le grand mérite de rappeler que le sionisme n’a pas toujours été majoritaire chez les juifs et les juives. Le parrainage du Commissariat permet surtout d’ouvrir plus facilement les portes en milieu scolaire, principalement, pour organiser des discussions autour de ce livre et s’adresser ainsi plus facilement à la jeunesse.

Un grand nombre de juives et de juifs, surtout avant la Seconde Guerre mondiale, ont préférer rejoindre les organisations révolutionnaires ouvrières, pour venir à bout de l ‘antisémitisme, en luttant pour l’émancipation universelle de tous les travailleurs et toutes les travailleuses. Tel a été le sens de l’engagement de nombreux juifs et juives dans les organisations communistes ou anarchistes, ou au sein du Bund [2] socialiste, auquel l’ouvrage de l’UJFP consacre une page complète. Le Bund, très puissant parmi les juifs et juives de Pologne et de Russie, considérait que l’immigration vers un État juif au ­Proche-Orient n’équivalait qu’à une capitulation face aux antisémites et luttait, en Pologne et en Russie pour les droits culturels juifs et pour la préservation du yiddish [3]., langue très riche, et souvent quelque peu humoristique, que l’État d’Israël a préféré anéantir au profit de l’hébreu moderne, une langue sans grand passé.

Apartheid

Bien sûr le génocide des juives et des juifs par le nazisme est analysé, mais en tenant compte de tout le processus qui y a conduit, et notamment de la colonisation en Afrique qui lui a servi de ban d’essai. Et il n’est pas question non plus d’oublier le génocide des Roms, Tziganes et le massacre des homo­sexuel.les par Hitler, et les Arabes et les Noir.es qui étaient aussi sur la liste pour être soit anéanti.es, soit pour devenir esclave.

Enfin, le livre de l’UJFP analyse aussi la Nakba de 1948, survenue lors de la création de ­l’État d’Israël. Pour les Palestiniens et Palestiniennes, ce terme, qui veut dire catastrophe, renvoie à l’expulsion de 750 000 d’entre eux et elles par Israël. Sans parler de ceux et celles qui ont été massacré.es, surtout par des organisations sionistes ­d’extrême droite.

La politique actuelle d’apartheid envers les Palestiniens et Palestiniennes resté.es en Israël et envers ceux et celles des territoires occupés découle directement de cette Nakba. Les éléments essentiels du racisme sont donc expliqués dans ce livre, très bien illustré et très pédagogique, et tout militant et militante antiraciste peut y trouver toutes les connaissances essentielles à son combat, avec tous les éléments à développer pour le faire triompher.

Armand Gorintin (AL Paris Sud)

  • Une parole juive contre le racisme, éditions Syllepse, 2016, 96 pages, 5 euros.

[1Il s’agit d’une déclaration publique
de Nétanyahou en octobre 2015,
où il expliquait que c’est le grand mufti de Jérusalem (antisémite notoire, et membre de la SS) qui aurait conseillé à Hitler de brûler les juifs. Serge Klarsfeld a qualifié ces propos d’absurdes.

[2Bund signifie « union » en yiddish.
(et aussi en allemand, langue très proche du yiddish). Le Bund a participé activement aux révolutions russes de 1905 et de 1917.

[3Langue germanique des juifs et juives d’Europe de l’Est, les Ashkénazes.
Les juifs et juives espagnol.es parlaient le ladino et les juifs et juives d’Afrique du Nord (Séfarades) parlaient le judéo-arabe

 
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