Dossier spécial

Défense des retraites : Réseau pour la grève générale, moins de bluff svp




Oui, il faut populariser l’idée de grève générale, de sa nécessité pour stopper voire pour renverser le pouvoir. Mais pas en faisant croire qu’on y parviendra mieux avec une « direction syndicale » trotskiste...

Le 29 janvier 2023, le Journal du dimanche publiait un appel de syndicalistes et d’intellectuels défendant la perspective d’une grève générale. Ce fut le point de départ d’un « Réseau pour la grève générale » qui a globalement relayé la vision de l’organisation trotskiste Révolution permanente (RP) : des grèves reconductibles éclatent çà et là, la situation est potentiellement révolutionnaire, l’intersyndicale a peur, elle isole les grèves en espaçant les journées d’action nationale, c’est la trahison, etc. À l’AG du Réseau, le 22 mars, Anasse Kazib, figure de proue de RP, déclarait ainsi qu’il fallait former « des comités d’action [...] avec une direction qui veut réellement aller jusqu’au bout ! »

On l’aura compris, ce n’est pas le principe d’une direction verticale qui pose problème à ces militantes et militants, mais bien le fait que ce n’est pas leur courant politique qui se trouve aux manettes.

Pour reconduire une grève, il faut une AG remplie

Soyons équitables. On peut savoir gré à RP d’être parvenue, en lançant son Réseau, à donner une visibilité à l’idée de grève générale. Car oui, la grève générale était bien une nécessité pour faire reculer le gouvernement. Le gros problème est de fonder toute sa propagande sur une exagération délibérée de la conflictualité sociale réelle.

Non, l’intersyndicale n’a pas eu l’occasion de freiner une explosion populaire imminente. Pour reconduire une grève au terme des premières 24 heures, il faut une AG de grévistes massive et déterminée à aller plus loin. Or les AG sont toujours restées maigrelettes. Donc pas de reconduction possible. La tentative la plus sérieuse de reconduction, à partir du 7 mars, a été impulsée justement par les « directions syndicales » CGT et Solidaires… mais la base n’a pas suivi ; ça n’a pas pris.

Ensuite, au-delà de la rhétorique tonitruante, les pratiques concrètes interrogent. À la SNCF, pas mal de syndicalistes de lutte ont pu s’étonner de voir que, pendant qu’ils enchaînaient une vingtaine de journées de grève, la section syndicale SUD-Rail du Bourget, notoirement « tenue » par RP et donnant des leçons sur la stratégie de défense des retraites, faisait tout autre chose  : elle n’appelait qu’à des débrayages de 59 minutes… pour obtenir une prime locale ! Difficile après cela d’être dupe des grands ­discours radicaux.

Contrairement à ce qu’écrivent les trotskistes, la crise du syndicalisme n’est pas une crise de direction, c’est une crise de sa base. On manque de militantes et de militants pour partir à la reconquête des déserts syndicaux, développer la syndicalisation dans les secteurs féminisés et revivifier les structures interprofessionnelles, particulièrement au niveau local.

Le meilleur « réseau pour la grève générale », c’est un maillage de syndicats actifs, démocratiques, présents dans un maximum d’entreprises et coordonnés. C’est la tâche colossale (mais exaltante) à laquelle doivent s’atteler les révolutionnaires. Moins d’incantations, plus d’organisation.

Boivin (UCL Rennes), Guillaume (UCL Paris nord-est)


Dossier spécial : Défense des retraites, repensons le combat


 
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