politique

XIIIe congrès d’AL : Batteries rechargées




S’arrêter un moment, réfléchir ensemble, se mettre au diapason. C’était le but du congrès d’AL qui a réuni une centaine de délégué.es à Nantes, du 3 au 5 juin, pour faire le point sur la situation à la veille de la loi Travail XXL annoncée par Emmanuel Macron.

Le XIIIe congrès d’AL aura été, pour l’essentiel, un congrès de cohésion. Il n’a pas révélé de divergences profondes au sein de la fédération, et les confrontations ont été assez constructives et respectueuses des différentes sensibilités. « On progresse ensemble » pourrait être la formule concluant ces trois jours passés à la Manufacture des tabacs, à Nantes.

Pour une fois, l’ordre du jour n’était pas saturé de textes à discuter en séance plénière, ce qui a permis d’intercaler des ateliers de discussion libre sur différents thèmes : entreprises/syndicalisme ; antipatriarcat ; web ; mensuel Alternative libertaire ; volonté de « changer d’échelle » en questionnant le mode militant (rythme, jargon…). Une réunion des militantes s’est également tenue en non-mixité, comme désormais à chaque rencontre fédérale d’AL.

Épuisement de la stratégie des fronts anticapitalistes

Le bilan d’activité 2015-2017 n’énumère pas tout ce que les groupes locaux ont fait en deux ans – chose impossible –, mais dégage les « tendances générales » de l’action d’AL sur les fronts de lutte : entreprises/mouvement social (opposition à la loi Travail et contestation de l’état d’urgence) ; solidarité internationale (aide aux migrant.es et soutien à la gauche kurde) ; antiracisme (dénonciation des crimes policiers et participation au cadre intitulé Reprenons l’initiative) ; écologie (lutte de Notre-Dame-des-Landes et contestation de la Cop 21) ; féminisme (campagne contre les violences faites aux femmes, appel à une grève des femmes le 8 mars) ; culture (anniversaire des 80 ans de la Révolution espagnole).

La motion d’orientation générale prend acte de l’épuisement de la stratégie des « fronts anticapitalistes » portée par AL depuis 2007, stratégie qui a enregistré quelques succès locaux mais « n’a pu s’inscrire dans la durée, ni susciter l’engagement d’individus non encartés, ni déboucher sur un cadre national ». Cela ne remet pas en cause la volonté de construire un mouvement anticapitaliste large, mais sans « cadre permanent » et avec « des formes plus souples ».

Le congrès se tenait à la Manufacture des tabacs, à Nantes.

Trouver les voies d’une mobilisation de masse

Que les révolutionnaires se serrent les coudes, nous en avons bien besoin dans la période, qu’AL a voulu analyser sans catastrophisme mais avec lucidité  :

Délitement social, déclassement, désindustrialisation, quartiers populaires naufragés, régions sinistrées… Il y a là les ingrédients d’une révolte sociale. Accumulation de défaites pour le mouvement social, attaques racistes décomplexées notamment contre les Rroms et les musulmans, discours de repli souverainiste sur un “capitalisme national”… Il y a là les éléments d’un dévoiement de cette révolte sociale vers des boucs émissaires et de fausses solutions. Autonomisation et impunité des forces policières, état d’urgence ad æternam, réduction des libertés et des garde-fous démocratiques, renforcement du contrôle social et de la surveillance d’État… Il y a là les moyens d’un possible régime autoritaire, voire fascisant.

Face à cela, il faut trouver les voies d’une mobilisation de masse en tenant compte de l’impact croissant qu’aura la répression sur l’action « extralégale ».

Le retour sur le mouvement contre la loi Travail, à un an de distance, évoque de façon concrète les outils de la lutte (action syndicaliste, AG interpro, pratique des blocages économiques, « grabuge »...), et ses lacunes : « Combien de révolutionnaires parmi les routiers, dockers, nettoyeurs, raffineurs qui ont bloqué le pays ? Trop peu. » Or, à moins de penser qu’on peut changer la société par les élections, ou par un activisme-spectacle minoritaire, il est crucial de s’implanter durablement sur les lieux de production, dont la reprise en main par les premiers concerné.es est la condition sine qua non d’un socialisme autogestionnaire. C’est un vrai défi qui appelle « un volontarisme sans aveuglement ».

S’implanter durablement sur les lieux de production

La motion écologiste fait progresser la réflexion d’AL sur «  la place de l’humanité au sein du monde vivant  » en explorant les transformations qui seraient nécessaires en matière d’urbanisme, de modèle agricole, de paradigme alimentaire (en plaidant pour une «  réduction significative de la consommation de viande  ») et d’aménagement des territoires dans une société débarrassée du capitalisme.

La motion sur les technologies numériques et le logiciel libre engage AL à « contribuer au développement d’une contre-culture, puis d’une vraie culture populaire du logiciel libre, qui peu à peu marginalise les logiciels commerciaux et privateurs ». Une commission libriste est créée, qui aidera les groupes locaux d’AL à s’emparer de ces outils, notamment de ceux promus par le réseau d’éducation populaire Framasoft.

Sur le plan organisationnel, les statuts d’AL ont été toilettés pour les aligner sur la réalité du fonctionnement fédéral. La procédure démocratique à appliquer en cas d’agression sexuelle par un militant d’AL a également été enrichie en fonction de l’expérience acquise – AL se veut une organisation accueillante pour les femmes et fermée aux hommes violents, et un adhérent a été exclu pour ce motif en janvier 2017.

Enfin, le secrétariat fédéral a été renouvelé pour moitié et rééquilibré  ; il intègre désormais 12 camarades (8 hommes, 4 femmes  ; 5 en Île-de-France, 7 dans d’autres régions). Alternative libertaire  ? Parée pour de nouvelles aventures  !

Émilie, Guillaume, Myriam, Théo (commission congrès d’AL)


DES MESSAGES D’AMITIÉ DE RIO À RAQQA

Des délégué.es de la CGA, du NPA [1] et d’Ensemble ont eu l’occasion de s’exprimer le premier jour. D’autres organisations – OA, UPML – ont adressé un message aux congressistes. Plusieurs organisations du réseau communiste libertaire Anarkismo ont également transmis des messages  : la FARJ et la FAC (Brésil)  ; la FA de Rosario (Argentine), la FAU (Uruguay)  ; l’OSL (Suisse).

Dans un message d’amitié, le Conseil démocratique kurde en France a salué le « soutien franc et sans complaisance » d’AL « au développement du projet de confédéralisme démocratique auquel le mouvement kurde aspire, non seulement pour le Kurdistan, mais aussi pour tout le Moyen-Orient ».

Comme l’a écrit notre camarade Arthur Aberlin – actuellement engagé au sein des YPG sur le front de Raqqa – aux congressistes : « Cette solidarité sera d’autant plus nécessaire une fois Daech vaincu, car nous perdrons alors le maigre appui dont nous bénéficions de la part des impérialistes. Comme le disent les camarades ici, le véritable combat social et politique commencera à ce moment-là ! »

[1« Le NPA au 13e congrès d’Alternative libertaire », L’Anticapitaliste, 21 juin 2017.

 
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