Lire : Laelia Benoît, « Infantisme »
La collection Libelle, des éditions du Seuil, propose des petits livres, souvent d’une cinquantaine de pages, en lien avec l’actualité. Le but est d’intervenir dans le débat public en favorisant l’argumentation et l’ampleur de la réflexion aux raccourcis simplistes adorés des grands médias. Entre l’essai et l’article de journal, ce sont des textes qui offrent souvent pas mal de grain à moudre.
Infantisme ne fait pas exception. Laelia Benoît y développe ce concept, traduction de l’anglais childism, qui vise à mettre en lumière l’ensemble des préjugés et des injustices dont sont victimes les enfants. Ceux-ci composent en effet la minorité la plus vulnérable de toutes, car si certains pays leur ont accordé des droits, les enfants n’ont jamais, nulle part, aucun pouvoir.
Cet état de fait est quotidiennement battu en brèche par les discours méfiants qui voient en chaque bambin un potentiel « enfant roi » qu’il faut absolument dominer... L’infantisme, comme le sexisme, le racisme, le validisme... est un système parfaitement intégré dans les rouages de la société et dans nos inconscients, qui pousse à maintenir une catégorie de population (en l’occurrence, les enfants) dans une situation d’infériorité.
Laelia Benoît est pédopsychiatre, mais son texte est nourri de sociologie, en particulier durkheimienne ; il s’agit bien de mettre au jour des mécanismes sociaux et non de pointer des défaillances qui seraient individuelles. La crise climatique est le parfait reflet des déséquilibres de pouvoir, entre jeunes que l’inaction met concrètement en danger à moyen terme, et personnes âgées qui peuvent plus facilement se permettre une courte vue...
Le livre s’achève sur quelques pistes pour sortir de l’infantisme, ou au moins lutter contre. Et ça commence par une bonne alphabétisation émotionnelle. Les enfants mal traités ont plus de chance de grandir en se coupant de leurs émotions, et d’être attirés ensuite par la surconsommation ou/et par des positions de pouvoir. Capitalisme et domination...
Nos sociétés auraient tout à gagner à offrir aux enfants le respect qui leur est dû.
Mélanie (amie d’AL)
- Laelia Benoît, Infantisme, Éditions du Seuil, septembre 2023, 72 pages, 4,90 euros.
