Syndicalisme

CHU de Montpellier : ONET, un mouvement de grève de 80 jours !




Le vendredi 1er décembre dernier, les salarié∙es d’ONET en grève depuis 80 jours signaient un accord avec leur direction. 80 jours de grève, c’est juste énorme ! Tous et toutes ont pu emmagasiner une expérience importante à diffuser pour préparer et nourrir l’ensemble des luttes de demain.

La situation dans le secteur du nettoyage est catastrophique et symbolique des métiers majoritairement occupés par des femmes (80%) souvent issues de l’immigration [1], beaucoup élevant seules leurs enfants. Ces travailleurs et travailleuses, en première ligne lors de la crise du COVID demeurent surtout les représentant∙es d’un esclavage moderne dont tout le monde bénéficie.

Lorsqu’on nettoie l’hôpital public, même en sous-traitance, on travaille pour le bien-être et la sécurité sanitaire de toute une société.

Cette utilité sociale fondamentale est invisibilisée, dévalorisée, sous-payée. Les conditions de travail du secteur peuvent se résumer par des cadences infernales, des bas salaires (600 euros, c’est le salaire net moyen de ces salarié∙es), des temps partiels imposés (80%), la multiplication des CDD, auxquels s’ajoute une surveillance accrue des salarié∙es et un management très agressif. Travail de nuit, gestes répétitifs, exposition à des produits nocifs et cancérigènes, les répercussions de ces métiers sur la santé des femmes qui les occupent sont encore largement méconnues et minimisées.

La colère, ça s’organise, et la lutte, ça se soutient

A Montpellier, le déclencheur de la grève au CHU, outre les revendications sur la hausse des salaires et une prime équivalente à un treizième mois, c’est le refus de se voir imposer, sans aucune consultation et formation, un dispositif de traçage sur téléphone. L’arrivée de cette nouvelle forme de flicage a cristallisé un ras-le-bol général autour des cadences et des conditions de travail. En plus de contrôler leur temps passé dans chaque pièce, les patrons contrôlent ensuite la qualité d’un travail impossible à réaliser dans le temps imparti1.

Pendant 80 jours, tous les matins, un piquet de grève des salarié∙es d’ONET s’est mis en place devant l’hôpital Lapeyronie. Plus de la moitié du personnel de l’agence de Montpellier a rejoint le mouvement. Le premier objectif a été d’être visibles, médiatisé∙es et soutenu∙es : tractages autour du CHU, rassemblement de soutien sur le piquet, participation aux autres manifestations du mouvement social (23 septembre, 13 octobre, 25 novembre), aux actions et soirées de soutien. Le second objectif a été de tenter une extension de la grève en se rassemblant devant la direction régionale de la SNCF pour mettre la pression sur un autre des chantiers du même groupe, et mettre en grève les salarié∙es.

Affiche de l’événement de soutien aux gréviste d’Onet

Syndicat, comité de soutien et caisse de grève

Les déléguées syndicales ont largement participé à animer la grève, mais tous les jours, c’est sur le piquet ou en AG que les décisions ont été prises et que la répartition des tâches a été actée.

Pour soutenir la lutte, il y a eu le syndicat, le comité de soutien et la caisse de grève pour tenir le plus de temps possible [2]. Ce combo s’est avéré fort efficace. Soutenues principalement par la CGT du CHU et l’Union Locale, le syndicat a rempli son rôle interprofessionnel à travers un soutien financier, et un accompagnement moral, matériel et stratégique.

Mais l’originalité et l’exemplarité de cette lutte se sont aussi jouées autour de la présence d’un large comité de soutien très actif, d’environ 80 personnes, qui a organisé de multiples actions pour également abonder la caisse de grève [3]. La présence quotidienne des syndicalistes et des soutiens sur les piquets a aussi permis aux grévistes de tenir sur la durée.

Une lutte porteuse d’espoirs

Même si toutes leurs revendications n’ont pas été satisfaites, à l’issue des 80 jours de grève, l’accord trouvé limite fortement l’impact du dispositif de traçage dénoncé et une prime exceptionnelle de 650 euros a été arrachée. D’autres luttes devront avoir lieu pour la pérenniser. Qu’on voit le verre a moitié vide ou à moitié plein, la lutte a surtout permis la création d’un véritable collectif de travail. Des travailleurs et travailleuses, atomisé∙es sur plusieurs sites du CHU se sont rencontré∙es et ont construit ensemble la lutte. Les grévistes ont permis de créer du lien dans le syndicat et au-delà du syndicat.

Les salariés d’Onet en déambulation dans l’enceinte du CHU
Cliché journal Le Poing

Une lutte exemplaire pour la dignité

Fédérer autour de sa lutte, ça rend fièr∙e, créer un mouvement de solidarité, ça rend digne, et se rendre visible, ça rend fort∙e. Ces grévistes disent aujourd’hui être solidaires des luttes des autres femmes qui travaillent pour des petits salaires et qui sont elles aussi invisibles et méprisées.

Cette expérience incroyable il y a encore quelques mois prépare la suite de leurs luttes en internes mais est aussi porteuse d’espoirs pour les luttes à venir, notamment dans les secteurs féminisés. Les discussions avec les grévistes d’ONET et leurs soutiens montrent bien qu’il y a une grande conscience aujourd’hui des similitudes dans tous ces métiers majoritairement occupés par des femmes.

Nettoyer, servir, soigner, éduquer relèvent de la même logique patriarcale. Considérées comme des fonctions « naturelles » effectuées gratuitement dans le cadre domestique par les femmes, ces activités sont méprisées, sous-payées, dévalorisées.

Peut-être que le 8 mars prochain pourrait avoir l’ambition de fédérer les salariées de ces secteurs féminisés qui se retrouvent dans les mêmes problématiques : précarité, conditions de travail et salaires souvent déplorables, perte de sens, brutalité managériale ou violence institutionnelle.

Anne (UCL Montpellier)

[1Voir également les différentes grèves qui ont émaillées le secteur ces 15 dernières années, et les reportages qui ont suivis. Un coup de projecteur a été mis sur l’ignominie salariale, sociale et humaine organisée par les géants du nettoyage, tout comme sur la complicité des grandes entreprises du service public (CHU, SNCF, RATP…).

[2La caisse de grève a réuni plus de 20 000 euros sur les 50 000 euros de salaires non touchés.

[3Le collectif a été créé par Révolution Permanente et rejoint par de nombreux collectifs et partis politiques. Les grévistes ont aussi bénéficié du soutien de Ruffin et de Rachel Keke, députée LFI et ancienne porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles.

 
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