Chroniques coloniales : Macron en Afrique : beaux discours et faux-semblants




Malgré le dernier discours du président français en Afrique, appelant au « renouveau » des relations entre la France et l’Afrique, les actes sont loin des discours officiels. La domination (néo)coloniale de la France est toujours présente à travers le franc CFA ou la coopération policière et militaire pour « maintenir l’ordre ».

Le président français a effectué fin novembre une petite tournée africaine, au cours de laquelle il a donné son discours aux Africains devant des étudiantes et des étudiants de l’université de Ouagadougou au Burkina Faso. L’occasion de présenter le « renouveau » qu’il prétend incarner... en mots, mais toujours pas en actes !

Pour qui connaît la Françafrique, l’oral de Macron brille par l’omission ou la défense des principaux rouages institutionnels de ce système de domination (néo)colonial : le Franc CFA est justifié par des arguments techniques [1], la présence militaire par la lutte contre le terrorisme (allant jusqu’à asséner : « vous ne devez qu’une chose pour les soldats français : les applaudir ! »), l’impunité et l’exfiltration par la France de l’ancien président-dictateur Blaise Compaoré, lors du soulèvement du peuple burkinabé en octobre 2014 passée sous silence, etc.

Autre sujet absent de ce discours comme de toute parole officielle du gouvernement français dans les questions de diplomatie africaine : la coopération policière et militaire [2], notamment avec des régimes autocratiques et criminels.

Tintin au Burkina, titrait Survie à propos de la conférence de Macron à Ouagadougou

Cette pratique, qui consiste à envoyer des conseillères et des conseillers auprès des forces armées des pays « amis » a été mise en place lors des décolonisations officielles, et poursuivies jusqu’à aujourd’hui en dépit de réformes et d’évolutions constitutionnelles. Elles sont aujourd’hui justifiées principalement par un discours de double continuum entre sécurité et défense d’une part (« la distinction entre sécurité et sécurité extérieure n’est plus pertinente » [3]) ; et entre sécurité et développement (la sécurité des citoyens d’un pays est nécessaire pour que celui-ci se développe) d’autre part.

Le discours met également en avant une approche « technique » qui voudrait former les forces de l’ordre à réprimer moins brutalement des manifestations ; partageant le « savoir-faire français » évoqué par Michèle Alliot Marie en 2011 lors du soulèvement tunisien. Certes, nos policiers font moins de victimes que les armées togolaises ou camerounaises (pour prendre les deux derniers exemples), mais les régimes ainsi soutenus sont bien souvent encore plus illégitimes que le nôtre, vu leurs conditions d’accession au pouvoir.

Des conseillers diplomatiques de l’ombre

Le soutien, la mise à disposition des conseillères et des conseillers, est bien souvent renforcé par de la fourniture de matériel dits « de sécurité », et avec les financements d’opérateurs privés ou parapublics français... tout ceci dans la plus grande opacité.

Ainsi, lors de manifestations ou de soulèvements dans les pays sous accord de coopération, la diplomatie française appelle bien souvent à la mesure, au dialogue, renvoyant dos à dos les manifestantes et les manifestants et le pouvoir, tout en poursuivant sans ciller le soutien à l’appareil répressif du pouvoir via la coopération policière et militaire.

Heureusement que les manifestantes et les manifestants burkinabés n’ont pas écouté les appels de la France au dialogue et à la retenue en 2014, alors que Blaise Compaoré voulait tripatouiller la constitution pour se maintenir au pouvoir... celui-ci serait sans doute encore en place et soutenu au nom de la stabilité si chère à la diplomatie française.

C’est ce même leitmotiv qui, malgré les discours de renouveau, justifie le soutien français à nombre de dictatures « durables » de la Françafrique, comme au Gabon ou au Togo (50 ans de régnes pour les familles Bongo et Gnassigbe-Eyadema respectivement). Le changement n’est pas à attendre de la France, mais bien de la capacité des peuples à se soulever, malgré les forces répressives que notre pays soutien et renforce !

Noël Surgé (AL Carcassonne)

[1Voir à ce sujet l’article d’Odile Tobner, dans le numéro de novembre d’Alternative libertaire.

[2L’association Survie a sorti un rapport sur ce sujet en amont de la tournée de Macron en Afrique, disponible en ligne sur Survie.org.

[3Voir le Livre blanc de la défense 2013.

 
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