Syndicalisme

Clestra : Face aux cloisons de la bourgeoisie, faire grève




Depuis le 3 juillet, plus de 90% des 140 salariées de Clestra sont en grève. Cette entreprise spécialisée dans les cloisons pour bureaux à Illkirch-Graffenstaden, au sud de Strasbourg, a été rachetée par le groupe Jestia en octobre 2022. Depuis, les salariées ont vu leurs conditions de travail se dégrader et entre 25% à 30% des salariées ont quitté l’entreprise.

Le rachat a eu lieu en octobre 2022 suite au redressement judiciaire de Clestra et a été subventionné à hauteur de cinq millions d’euros par l’état et la région, sans demande de garanties. Sur le piquet de grève, les travailleurs et travailleuses nous racontent : « après la reprise par Jestia, les tensions sont vite apparues quand ils ont voulu nous enlever des acquis, des primes, etc. ». Cela déclenche un premier mouvement de grève en décembre 2022 pendant 15 jours, qui a abouti à une augmentation mensuelle de 65 euros net, ainsi que le maintien des primes annuelles sur trois ans.

Des conditions de travail intenables

Mais la situation continue de se dégrader : augmentation des cadences, licenciements, et répression syndicale, ce qui va déclencher une seconde grève le 3 juillet. « La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le licenciement abusif d’un collègue, du jour au lendemain, par mail un dimanche matin. » Pour les salariées la direction cherche clairement à sanctionner les syndicalistes : « Ils veulent casser le syndicalisme. Ils ont même sanctionné un délégué syndical : pour avoir ramené un de ses fils à l’atelier il a reçu trois jours de mise à pied ». Deux mois avant, la nouvelle direction avait proposé un accord de rupture conventionnelle collective qui pouvait concerner 40 salariées. Entre les licenciements et les départs provoqués par la dégradation des conditions de travail, le nombre de salariées est passé de 283 à 140 personnes depuis le début du conflit.

Pour les salariées, la question de l’avenir de l’entreprise est aussi centrale, notamment suite à un plan de déménagement du site : « on veut de la transparence : les nouveaux locaux sont trois fois plus petits que les précédents, pas besoin d’être un génie pour voir venir de mauvaises nouvelles ». Ils et elles pointent aussi les fonctionnements de Jestia, qui licencie après avoir reçu des subventions, une logique dont le groupe est coutumier : « ils veulent saucissonner l’entreprise, ils l’ont déjà fait avec d’autres, cette fois-ci ils sont tombés sur un os c’est tout ». La généralisation de ces pratiques inquiète aussi à une échelle plus large certains travailleurs : « moi je me bats pour mes enfants, moi j’en ai rien à foutre, ma vie elle est derrière moi, mais mes enfants demain ils vont être comment ? » La grève tient depuis bientôt trois mois, avec le sentiment de ne pas être écoutées : « Il a fallu deux mois et demi de grève pour juste amorcer un petit dialogue, ça s’est débloqué suite à la venue de Sophie Binet », la CGT étant l’animatrice principale de la grève. « Le moral il va encore mais ça commence à être long, surtout financièrement ».

Sophie Binet, derrière la banderolle avec les grévistes
La venue de Sophie Binet a permis d’enclencher le dialogue que les grévistes voulaient depuis deux mois et demi.

Mépris de l’État et de la direction

Des négociations ont eu lieu au ministère de l’industrie les 5 et 20 septembre en présence des actionnaires de Jestia et d’une délégation syndicale de Clestra. Mais ces tables rondes n’ont rien donné  ; malgré les cinq millions d’aides aux repreneurs, l’État ne semble rien faire pour les salariées de Clestra toujours inquiètes pour leurs emplois. Le 21 septembre des grévistes ont pris la parole lors d’une soirée de soutien à Strasbourg : « On a été reçues à la préfecture, à la région et hier on a été à Bercy. Ils sont là et écoutent, prennent des notes. On s’est dit que le ministère allait taper sur la table mais rien, c’est un mépris total ». Alors que Jestia commence à brandir la menace d’une « faillite imminente », les salariées ont annoncé maintenir leur grève. Signe d’une lutte qui dépasse Clestra, l’un d’entre eux déclare en fin de soirée : « Je vois beaucoup de jeunes ici, pour le futur soyez vigilants, et surtout soyez solidaires entre vous ».

Antoine et N. Bartosek (UCL Alsace)

Pour soutenir la lutte, le lien de la caisse de grève : www.leetchi.com/fr/c/greve-des-clestra-1728721

 
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