Ecologie

Écologie décoloniale : Politiser la lutte environnementale




Le capitalisme et le colonialisme s’étendent en détruisant de plus en plus notre planète pour satisfaire les industriels qui violent les droits humains, exercent des pressions judiciaires et vont même jusqu’à l’assassinat pour faire taire les voix contestataires. La lutte pour des actions efficaces pour la préservation du vivant et pour une justice environnementale passe forcément par une analyse décoloniale de l’écologie.

Le lien entre dérèglement climatique, colonialisme et capitalisme a été fait depuis longtemps par des chercheurs et chercheuses, ainsi que des activistes, originaires de pays toujours sous influence néo-coloniale occidentale. Le capitalisme, pour se développer et devenir le modèle dominant d’organisation des relations économiques, travaille nécessairement main dans le main avec des politiques coloniales, impérialistes et racistes. Cette forme de capitalisme colonial détruit toute alternative d’organisation en expulsant les peuples autochtones de leurs terres pour mieux les esclavagiser afin d’y implanter un seul mode social, celui de l’extractivisme fossile (voir article Extractivisme : Les luttes écologistes au-delà des frontières).

La traite négrière est une illustration claire du capitalisme raciste colonial. En effet, suite aux politiques colonialistes des puissances européennes qui se sont installées sur les territoires américains, les peuples autochtones ont été chassés de leurs terres. Elles ont été utilisées pour y installer des plantations au service des intérêts commerciaux impérialistes, détruisant au passage la viabilité des sols [1].

Aujourd’hui, ces mécanismes d’exploitation de la terre et des personnes qui se font raciser par les puissances occidentales prennent d’autres formes. Par exemple, le scandale de la chlordécone dans les Antilles, sous domination française, a mis en lumière l’activité des lobbys industriels pour poursuivre l’utilisation d’un pesticide qui a non seulement causé une pollution des sols mais aussi des cancers chez les travailleuses et les travailleurs des plantations de banane. On peut aussi évoquer les essais nucléaires en Algérie ou en Polynésie où des luttes sont toujours en cours pour faire reconnaître les dommages causés par l’État français.

Fausse justice environnementale, vrais colonialisme et racisme

Lorsque l’on regarde les réactions des états occidentaux pour gérer la crise climatique, notamment par le biais d’une justice environnementale, il paraît clair que le schéma colonial persiste. En effet, les organisations traditionnelles de l’État ou des entreprises, qui entretiennent le capitalisme colonial, proposent de trouver des solutions dans le développement des technologies (voitures électriques, par exemple). Or, cela implique le pillage des ressources et l’exploitation d’une main d’œuvre au service d’entreprises occidentales.

De même, les politiques de protection de la nature mises en place dans des pays anciennement colonisés illustrent la façon dont les états occidentaux qui polluent le plus se rachètent une bonne conscience en imposant leur vision de la nature. Des projets portés des ONG à majorité blanche sont à l’origine de déplacement forcés de population pour mettre à bien leur idéal de la nature sauvage fantasmée [2].

Aujourd’hui, les personnes qui vivent de plein fouet les conséquences du changement climatique subissent le racisme des puissances occidentales. Les frontières se ferment, alors que de plus en plus de personnes sont forcées au déplacement pour fuir les événements météorologiques extrêmement violents comme les sécheresses ou les cyclones qui nuisent à des conditions de vie digne.

Pour pallier au réchauffement climatique qui est déjà en cours, il est nécessaire de politiser la lutte écologiste : regardons la réalité et posons les mots d’exploitation raciste, colonialiste, des terres et des corps, pour mieux pouvoir lutter contre. Adoptons une analyse d’écologie décoloniale pour organiser ensemble des alternatives au capitalisme pour une meilleure préservation du vivant.

Elsa (UCL Grenoble)

[1Voir les travaux de G. Bhattacharyva, D. Haraway, A. Tsing et M. Ferdinand qui développent l’idée de capitalisme racial et d’anthropocène/plantationocène.

[2Voir l’article publié en octobre 2023 dans Alternative libertaire, « Parcs Naturels : Conservationnisme de la nature ou colonialisme vert ? »

 
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