Culture

Voir Michel Bertrand : Vivre avec les loups




Une immersion dans une forêt des Alpes, c’est ce que nous propose Jean Michel Bertrand, qui vit une grande partie de l’année dans une petite cabane agrippée à un flanc rocheux et abrupt. Son but ? Observer l’installation et l’évolution d’une meute de loups ; un jeune couple est arrivé sur le seul territoire encore inoccupé de ce coin de montagne. Comment vont-ils survivre, prospérer, quel impact vont-ils avoir sur la biodiversité ? On le suit au fil des saisons noter ses observations et partager avec nous ce que capturent ses caméras soigneusement disséminées.

Le film s’ouvre sur un constat attristé, fait en voix off : il est difficile de parler du loup sans que le débat ne s’envenime. Pourtant les discours alarmistes qui exacerbent les colères sont souvent inexacts voire carrément faux ; le loup va tout détruire sur son passage, dévorer tous les animaux de la forêt... En réalité, le loup s’auto-régule, et le nombre de petits qui survivent dépend directement du nombre de proies disponibles. On observe même l’effet inverse à quelques kilomètres de la cabane ; la région des Abruzzes marquée par la désindustrialisation a vu la prospérité revenir et la biodiversité s’épanouir suite à la mise en place d’une stratégie de protection de la faune sauvage, et du loup au premier chef...

Jean Michel Bertrand ne reste pas tout le long du film dans sa montagne, et nous offre en plus des paysages saisissants quelques séquences de discussion respectueuses et stimulantes avec des gens très concernés par le retour du loup  ; un chasseur, mais surtout des éleveurs et éleveuses, des bergères et bergers. Ce sont ces personnes qui doivent le plus s’adapter à la nouvelle donne, la présence du loup venant bouleverser certaines de leurs pratiques. Au fil des entretiens, toujours menés dans un cadre convivial, de nombreux sujets émergent  ; la dureté de métiers fait principalement de solitude, le rapport au chien (en avoir ou pas), le business que ça peut être (il faut acheter des quantités de croquettes pour nourrir les patous qui protègent le troupeau), la douleur de voir ses bêtes attaquées. Un constat se dessine, l’impression de travailler en marge d’une société majoritairement coupée des réalités de la production de la viande et de la vie sauvage. Les appels à éradiquer le loup sont non seulement inutiles (c’est désormais chose impossible) mais témoignent avant tout d’un certain rapport au vivant : l’humain serait le dominant, qui s’arroge le droit de décider qui peut vivre ou qui doit être exterminé.

Ce film qui nous offre tant de plans d’une beauté rassérénante et pas mal de moments malicieux, prend exactement le contre-pied de cette approche. Un beau plaidoyer pour l’humilité, la nuance et la convivialité.

Mélanie (amie d’AL)

  • Jean Michel Bertrand, Vivre avec les loups, 2023, 1h30.
 
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