Confédération paysanne : Contre les illusions technologistes… et antispécistes




Après les élections professionnelles, la Confédération paysanne tient congrès les 17 et 18 avril à Tours. L’agriculture paysanne qu’elle défend est prise entre deux feux : d’un côté une ­pression vers l’industrialisation ; de l’autre un mouvement environnementaliste/végan qui entend supprimer tout un pan de ­l’agriculture. Le syndicat trouvera t-il les réponses adéquates pour défendre un métier qui ait encore du sens ?

Les élections aux chambres d’agriculture, closes le 31 janvier, ont révélé une légère progression de la Confédération paysanne dans un grand nombre de départements. Elle a perdu la gestion de deux chambres – dont une en cogestion avec la Coordination rurale – et en a gagné deux autres : Mayotte et la Loire-Atlantique. L’opération a été globalement positive puisque le syndicat a mis fin à une chute régulière de ses résultats.

Pour le reste, c’est le statu quo dans les rapports de forces au sein du syndicalisme agricole (voir encadré). Cette situation questionne. Nombre de filières subissent de plein fouet les dérégulations et autres accords de libre-échange. Les petites et moyennes fermes ne sont pas défendues au niveau national par une FNSEA dont les petits arrangements entre amis et les luttes de pouvoir sont systématiques.


Élections aux chambres d’agriculture : la Conf’ se maintient

Collège exploitants agricoles 2013 2019
Participation 54,3% 46,4%
FNSEA, JA et apparentés
(droite productiviste)
55,57% 55,18%
Coordination rurale (droite conservatrice) 21,12% 20,66%
Confédération paysanne (gauche, pour une « agriculture paysanne ») et apparentés 19,74% 20,04%
Modef (proche du PCF) 2,04% 1,9%
Divers 1,53% 2,22%

Source : Terre-net.fr


L’écran de fumée que la FNSEA a su construire entre ses négociations ministérielles et le terrain est encore bien épais. Hélas la Conf’ n’a pas réussi à le dissiper auprès de paysannes et paysans bien « encadrés » par le syndicat majoritaire, qui a la mainmise sur tous les organismes touchant à l’agriculture : sécurité sociale, assurance, banque, coopératives, chambres d’agriculture…

Cet encadrement entretient un fond idéologique commun que l’on pourrait résumer à un corporatisme techniciste. En gros : on fait tous partie d’une même famille avec les mêmes intérêts ; l’unité est une valeur sacrée même si les uns bouffent les autres. Ceci doublé d’une vision technico-économique qui prime sur tout. Le progrès technique efface les enjeux politiques autour du modèle agricole.

Une des conclusions de ces élections est que le discours de la Conf’ a du mal à pénétrer la population agricole pétrie de cette culture corporatiste. C’est une question difficile, qu’il est essentiel de creuser.

La société urbaine et les paysans

Aux enjeux du changement climatique, l’agro-industrie répond par une fuite en avant technologique : drones pour surveiller les cultures, tracteur sans chauffeur, nanotechnologies... Si on les écoute, c’est un avenir sans paysannes ni paysans qui se dessine. Produire sans producteurs !

Face à cela, la Conf’ est rodée : pour une technologie dans notre intérêt, l’autonomie sur la ferme, le maintien d’une agriculture paysanne… Ces dernières années, l’orientation d’une lutte contre le modèle industriel s’est affirmée. Même s’il peut encore y avoir des débats sur le sujet en interne, l’opposition à des projets ubuesques comme celui de la « ferme des 1000 vaches » est largement fédérateur. Nous devons intensifier ce combat et y entraîner davantage de paysannes et de paysans.

La Confédération paysanne a eu cette force, dans son combat, de trouver des alliés dans la société civile et dans nombre de mouvements citoyens. Or ces derniers temps, le péril vient aussi de ce côté. Des organisations environnementalistes ou véganes mènent une offensive avec une communication dénonçant l’élevage industriel, mais pour discréditer toute forme d’élevage. C’est une véritable entreprise de reconstruction d’une vision d’une agriculture hors sol, sans animaux d’élevage et valorisant le steak in-vitro.

Confédération paysanne en mobilisation à Vigneux-de-Bretagne contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 16 octobre 2018

La Conf’ a esquissé des réponses replaçant la production agricole dans une dynamique équilibrée avec son environnement. C’est le point de vue paysan qu’il s’agit d’expliquer dans une société très urbaine, qui n’a plus beaucoup de contacts avec son agriculture. Cette question risque de prendre de l’ampleur dans les années à venir.

Dynamiser l’action syndicale

Quels enjeux, donc, pour ce congrès de Tours ? Les sujets de lutte ne manquent pas dans l’agriculture. Il nous faut développer un syndicat efficace au sein duquel tout le monde puisse se retrouver. C’est un sujet central pour le congrès.

De nombreuses structures départementales sont fragiles voir inexistantes, mais beaucoup se sont réactivées pour les élections aux chambres d’agriculture. Pour ne pas laisser retomber la motivation dans nos réseaux, il faut une animation nationale plus efficace pour mieux mutualiser actions et expériences. Le fonctionnement actuel privilégie trop une relation directe entre le national et les départements ; encourager les échanges transversaux et l’entraide entre départements est primordial.

De ce point de vue, l’échelon régional, trop souvent délaissé devrait être réinvesti. D’autant plus que les enjeux se renforcent au niveau régional – prérogative agricole des régions, gestion d’une partie de la Politique agricole commune… Il faut arrêter avec la crainte que se créent des baronnies régionales vis-à-vis de l’échelon national. Les départements possèdent déjà leur autonomie politique. C’est en travaillant à l’horizontalité des échanges, rencontres et expériences au sein de notre syndicat que l’on va donner envie aux paysans et paysannes de s’approprier cet outil et d’en faire leur instrument de lutte. La Confédération paysanne ne doit être rien de moins, rien de plus qu’un outil au service de la cause paysanne !

Georges Claas (AL Var)

 
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