SNCF : La duplicité… et le manque d’audace




Alors que le mouvement contre la loi Travail montait dans tout le pays, la CGT-Cheminots a tout fait pour saboter le départ en grève recon­ductible. Et, malheureusement, trop peu ont tenté le débordement.


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Avant que ne démarre la grève SNCF, le 18 mai, nombre de cheminots et de cheminotes comptaient déjà près de 10 jours de grève depuis mars. La lutte contre la loi Travail l’explique en partie, mais c’est aussi le résultat de tactiques fort contestables : alors que, localement, des équipes syndicales et des assemblées générales poussaient pour un appel à la reconduction dès le 31 mars, s’appuyant sur le nombre élevé de grévistes, aucune fédération n’a relayé, préférant continuer les 24 heures à répétition.

Le scénario s’est renouvelé fin avril, en pire : la CGT a imposé une grève carrée à la SNCF le 26 avril, alors que l’intersyndicale interpro­fessionnelle appelait depuis des semaines au 28 ! Privilégiant l’alliance avec l’UNSA et la CFDT, la CGT-Cheminots refusait de faire le lien entre le 26 et le 28. SUD-Rail et FO se sont aussi ralliés au 26.

En mai, la CGT-Cheminots a innové dans son travail de sape en limitant son appel à des grèves de 48 heures, les 18-19 puis les 25-26, refusant de reconnaître les AG de grévistes. Sous la pression d’une partie de sa base, mais aussi des équipes SUD-Rail et FO, la CGT-Cheminots s’est enfin décidée à appeler à une grève reconductible à compter du 31 mai au soir. Las, l’appel unitaire CGT-Unsa-SUD-CFDT-FO, n’a pas fait long feu. La CFDT a rompu dès le premier jour, l’Unsa le lendemain. Tout ça pour ça ! C’était bien la peine de carresser l’Unsa et la CFDT dans le sens du poil pendant deux mois, au lieu d’appuyer les cheminots prêts à se battre. Le fait de dissocier la lutte à la SNCF de la lutte contre la loi Travail a également nui.

La grève a duré deux semaines, non sans difficulté. Dès le 3e jour, la CGT-Cheminots se rendait seule au ministère et à la direction SNCF pour négocier, en-dehors de tout mandat des assemblées générales, faisant fi de l’unité du terrain avec SUD-Rail et FO. Au bout d’une semaine, elle n’appelait plus à reconduire le mouvement, qui a malgré tout mis plusieurs jours avant de s’éteindre.

Il aurait fallu que davantage d’équipes de base « osent »

L’unité des syndicalistes de lutte, à la base, les AG, les comités de grève ou de mobilisation créés sur plusieurs sites, le lien avec le mouvement contre la loi Travail, ont permis à cette grève d’exister et de durer. Cela n’a pas suffit pour gagner. Sans doute aurait-il fallu que davantage d’équipes de base, CGT mais aussi SUD-Rail, « osent » passer outre les consignes ou l’absence de décisions fédérales pour lancer le mouvement plus tôt, avant qu’il ne perde de sa force. Les syndicats locaux CGT et SUD-Rail signataires dès mars de l’appel « On bloque tout ! » auraient gagné en efficacité s’ils s’étaient coordonnés.

Nous payons aussi le recul, inégal selon les régions, en matière de démocratie ouvrière, d’auto-organisation des luttes. Tenir des meetings est une chose ; c’en est une autre d’organiser des AG où chacun et chacune se sent libre de parler et devient pleinement acteur et actrice de « sa » grève.

Unsa et CFDT ont signé des accords avec le patronat de la voie ferrée. La CGT a décidé de ne pas s’y opposer. Triste fin : si cette organisation avait exercé son droit d’opposition comme l’ont fait SUD-Rail et FO, les textes contre lesquels les grévistes, dont beaucoup de syndiqués CGT, ont lutté durant des mois seraient caducs et nous aurions pu agir tous ensemble pour imposer la reprise de négociations sur d’autres bases. Suite à la décision de la CGT ce sont donc
les accords Patronat-Unsa-CFDT qui vont s’appliquer !

Le Rail déchainé

 
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