journal de bord

Un communiste libertaire dans les YPG #08 : « Les Kurdes n’ont pour amies que leurs montagnes »




« C’est une question qu’on discute ouvertement avec les cadres des YPG ici. Il n’y a aucune illusion d’aucune sorte sur les raisons qui ont amené les USA, la France et la Russie à les soutenir dans leur combat. »


Alternative libertaire reproduit les billets du blog Kurdistan-Autogestion-Révolution, carnet de voyage d’un camarade engagé au sein des YPG.

Au fil des semaines, il témoignera de la vie au sein des milices combattantes, des débats qui s’y mènent et de l’expérience du confédéralisme démocratique dans les zones libérées.


Académie de formation des YPG pour les volontaires étrangers, canton de Cizîrê, le 24 mai 2017

C’est un vieux proverbe qui signifie que le peuple kurde n’a jamais pu compter que sur lui-même dans sa lutte contre ses oppresseurs et je crois que ça résume assez bien leur perception de l’aide prodiguée par les États impérialistes dans leur lutte contre Daech. C’est une question qu’on discute ouvertement avec les cadres des YPG ici. Il n’y a aucune illusion d’aucune sorte sur les raisons qui ont amené les USA, la France et la Russie à les soutenir dans leur combat.

Alors pourquoi accepter cette aide empoisonnée ? Je crois que, comme je l’ai dit dans mon précédent billet, il n’y a guère de choix. Les YPG devaient-ils refuser cette aide et voir le projet révolutionnaire se faire annihiler pour préserver une quelconque pureté politique ? Voir leurs familles se faire massacrer et leurs camarades tomber sous les balles de Daech uniquement pour ne pas être qualifiés de « traîtres » par quelques théoriciens en chambre ?

Intérêts provisoirement convergents

Aujourd’hui encore, les frappes aériennes permettent d’épargner la vie de nombreuses et nombreux YPG-YPJ. « Et si les frappes devaient s’arrêter ? » avons-nous demandé. Les camarades nous ont répondu : « Eh bien nous continuerons comme le faisions avant. » Dans la bouche des camarades, il n’est pas question le moins du monde d’une quelconque alliance avec les impérialistes mais uniquement d’intérêts provisoirement convergents.

Le mouvement kurde n’oublie pas que la CIA et le Mossad sont les premiers instigateurs de l’arrestation d’Abdullah Öcalan au Kenya dans les années 1990. Et qu’actuellemnt, les puissances impérialistes occidentales ignorent délibérément les déportations, les massacres, l’utilisation d’armes chimiques dans le Bakur (Kurdistan turc), à quelques dizaines de kilomètre de la frontière.

Cette duplicité des États impérialistes nourrit la perception qu’ont les Kurdes de la nature des entités étatiques. Pour eux les États-nations sont des monstres froids qui ne gouvernent et ne gouverneront jamais dans l’intérêt des peuples. Des constructions qui sont faites pour opprimer et asservir. Ils savent très bien que s’ils sont contraints de choisir, les impérialistes privilégieront leur alliance avec la Turquie, pilier de l’Otan quoique parrain de Daech, à leur soutien aux valeureux combattants des YPG.

Chaque minute gagnée…

Les YPG ont d’ailleurs appris à jouer des contradictions entre impérialistes – notamment états-uniens et russes – en prenant garde à ne jamais choisir un camp. Ces impérialistes nous soutiendront certainement jusqu’à la chute de Daech, comme ils ont soutenu d’autres mouvement dont ils ne partageaient pas les convictions ; l’histoire regorge d’exemples.

En attendant chaque vie de révolutionnaire sauvée, chaque minute gagnée par cette navigation difficile, nous permet ici d’approfondir la révolution et de nous préparer à l’inévitable abandon.

J’ai commencé mon billet par une citation, je ferai de même pour le clore – avec (une fois n’est pas coutume) un bon mot de Lénine : « Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons. »

Arthur Aberlin

 
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