Syndicalisme

Nécrologie : Charles Piaget (1928-2023), militant autogestionnaire




Le 4 novembre dernier Charles Piaget nous quittait à l’âge de 96 ans. Militant syndical (syndiqué dès son premier jour de travail) à la CFTC puis à la CFDT, militant au PSU (Parti socialiste unifié), il était surtout l’un des animateurs chez Lip d’une « CFDT des luttes » qui se voulait autogestionnaire. Il aura été pour beaucoup l’une des figures majeures d’une des luttes les plus emblématiques de la seconde moitié du XXe siècle, celle des LIP.

Charles Piaget, sur lequel nous reviendrons plus longuement dans un prochain numéro, participa à mettre sur pied un syndicat combatif dans son usine de Lip à Besançon. Il participa à l’ouverture de ses portes aux étudiantes en Mai 68 et il luttera à partir de 1973 pour que vive non seulement son usine de Lip, mais surtout qu’elle revienne à celles et ceux qui produisaient.

Le slogan « on fabrique, on vend, on se paie » reste d’une force et d’un actualité toujours brûlante.
De multiples Scop naîtront des suites de la lutte à visée autogestionnaire des LIP. Charles Piaget a été de celles et ceux qui ont vécu l’idéal socialiste autogestionnaire en acte. Il verra également la trahison de la gauche qui, après 1981, n’apporte pas son soutien aux LIP, toujours mobilisées.

À partir de 1983, Charles Piaget, qui part en préretraite, s’éloigne du militantisme. Il y reviendra une décennie plus tard avec la création du collectif AC ! (Agir contre le chômage) à Besançon en 1993. Dès lors il participera aux mobilisations et restera jusqu’au bout un transmetteur de la mémoire d’une lutte et d’une vie de combats.

En 2007 il sera actif dans les débats autour du film de Christian Rouaud, Les Lip, l’imagination au pouvoir.

À cette occasion il donnait une brève interview à Alternative libertaire, dans laquelle il nous livrait en quelques mots un résumé de son expérience des luttes : « Il ne peut pas y avoir de décalque d’une lutte sur une autre. Chaque conflit est unique. Par contre il peut y avoir des similitudes. D’après mon expérience, il y a trois étapes dans une lutte. Tout d’abord, le refus de la fatalité, pour Lip, c’était le refus de la fermeture, ce qui n’était pas acquis d’avance puisque la CGT de l’entreprise était dans l’optique de négocier un plan social. Dans un deuxième temps, il faut mener ce que l’on a appelé “la conquête intérieure”, c’est-à-dire convaincre les salariées de la nécessité de se battre. Ensuite il est nécessaire de ne pas s’enfermer sur son entreprise et d’ouvrir le conflit vers l’extérieur, vers la société civile. Par ailleurs, le conflit doit être l’occasion d’approfondir la démocratie, il est nécessaire de mettre en cause la primauté du syndicat vis-à-vis de l’AG, et de laisser place à l’imagination de tous les acteurs dans un conflit. Les gens en lutte évoluent, certaines personnes qui étaient jusque là en retrait s’affirme dans le conflit et deviennent des acteurs et des actrices incontournables de la grève. » [1]

David (UCL Savoies)

 
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