Notre-Dame-des-Landes Le gouvernement s’enlise




Le 17 novembre a été organisée à Notre-Dame-des-Landes une manifestation de réoccupation du bocage. Il s’agissait pour les manifestantes et manifestants de s’opposer aux procédures d’expulsion préalables aux travaux de construction d’un nouvel aéroport pharaonique au nord de Nantes.

Depuis plus d’un mois, des centaines de gardes mobiles s’acharnent à déloger l’ensemble des habitantes et habitants de la Zad, espace destiné à la construction de l’aéroport. La Zad, c’est la « zone d’aménagement différé » pour Vinci et ses valets, mais c’est la « zone à défendre » pour celles et ceux qui résistent aux grands projets inutiles.

Après des semaines de répression et de résistance pour les occupants, cette manifestation constituait un tournant dans la mobilisation : un succès permettait d’espérer renverser la vapeur, un échec signait la victoire du gouvernement et la construction de l’aéroport.

Vers un nouveau Larzac

Le succès a été au rendez-vous, au moins quarante mille personnes ont répondu présentes, venant de toute la France et même d’au-delà. Le monde agricole s’est très fortement mobilisé avec près de quatre cents tracteurs sur place. La mobilisation a de plus été un vrai succès populaire et a démenti le discours du gouvernement réduisant la résistance à une minorité « violente ».

Un autre vecteur de la mobilisation a été la campagne de construction de logements en éco-habitat dans la Zad. En une journée, le « travail » de destruction mis en œuvre par l’État a été anéanti (ainsi que plusieurs millions d’euros).

Cette mobilisation massive s’inscrit dans la continuité de luttes victorieuses dont celle du Larzac mais aussi dans la tradition bretonne de résistance populaire. Ainsi les luttes de Plogoff à la fin des années 1970 et du Carnet (près de Nantes) dans les années 1990 contre la construction de centrales nucléaires ont été menées jusqu’à la victoire. Plus récemment, la lutte pour le maintien de l’hôpital de Carhaix a été également victorieuse dans un contexte particulièrement hostile. Ancrage populaire à la base, soutiens extérieurs et complémentarité des modes de lutte sont probablement la recette qui permettra d’enterrer ce projet d’un autre temps.

Oui au bocage, non au gaspillage

MP

Cependant, face à un pouvoir cynique et déterminé, la lutte doit encore s’élargir et s’enraciner pour mettre un point final à ce projet mortifère. Plusieurs pistes sont à l’étude, notamment celle d’une réoccupation agricole massive rejoignant l’idée de relocalisation productive. Le premier appel à l’occupation de la terre à Notre-Dame-des-Landes a été lancé par les paysans en 2009 lors du Camp action climat.

Ce fut un succès puisque cent cinquante à deux cents personnes se sont installées à la Zad et ont mis en place des potagers bio ou des élevages de chèvres... En période de chômage de masse, de crise écologique majeure, la mise en culture de zones dans le respect de la nature [1] est probablement une des solutions au problème. Il ne s’agit pas d’appeler à un retour à la terre désordonné mais à l’heure où de nombreux agriculteurs ne trouvent pas de terre pour s’installer et où de nombreux chômeurs et précaires doutent de pouvoir s’insérer dans le monde du travail cette piste n’est pas à négliger.

Ce projet d’aéroport s’inscrit dans un projet de société qui n’est pas le nôtre : aller toujours plus vite pour faire toujours plus de fric sans se soucier des besoins de la population et au profit d’une minorité. Il faut inscrire ce rejet de l’aéroport dans un contexte plus global d’aménagement du territoire. Face à cela, le mouvement social dans son ensemble doit être capable de porter un projet de société alternatif faisant primer la coopération sur la concurrence, la satisfaction des besoins sur le profit et redonnant toute sa place à la préoccupation environnementale. Loin du capitalisme vert et du développement durable à la mode rose et verte, il nous faut porter des alternatives.

Diviser les décideurs...

La lutte s’annonce encore longue et difficile mais elle a permis d’accentuer la contradiction inhérente à la présence d’Europe Écologie Les Verts (EELV) au gouvernement et de pointer les faiblesses de l’exécutif, notamment de Jean-Marc Ayrault, premier ministre et ancien maire de Nantes très investi dans le projet.

De plus, des questionnements émergent au sein des actionnaires de Vinci avec des propositions d’indemnisation qui soulignent l’injustice dont ont été victimes les habitants – certains paysans se sont vus proposer par Vinci un prix de rachat du terrain inférieur au prix de 1977 – et le malaise face à la résistance de la population.

… et unifier les opposants

MP

La cohabitation de l’ensemble des composantes du mouvement – des autonomes au Modem – reste un enjeu quotidien. Cependant, au-delà de certaines divergences sur la façon dont la lutte doit se mener, la cause qui unit l’ensemble des opposants semble l’emporter. Des journées de reconstruction sont déjà annoncées, des comités de soutien voient le jour un peu partout en France et en Europe. Environ cinq cents personnes dont des paysans et leurs tracteurs sont restées dans les habitations construites le 17 et les jours suivants et une permanence agricole a été mise en place au Rosier (prochaine maison menacée d’expulsion), l’idée est « d’assurer une présence agricole auprès des habitants qui résistent » et de laisser une vingtaine de tracteurs sur place « pour une durée indéterminée ».

L’unité d’action, le respect mutuel des différents opposants et l’énergie créatrice de cette lutte doivent permettre de bouter Vinci et ses légions hors du bocage et d’envoyer Jean-Marc Ayrault au tapis. Le changement on ne l’attend pas, on le crée ici et maintenant jusqu’à la victoire !

Collectif AL Nantes

[1Le bocage de Notre-Dame-des-Landes est composé à 98 % de prairies humides typiques du bassin versant de la Loire, cette zone préservée à la biodiversité exceptionnelle est ainsi très importante pour le fleuve.

 
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