Allemagne, Recompositions syndicales par la base




L’impression diffusée par les grands medias du paysage social allemand laisse à penser que le pays est un havre de la paix, compétitif où les travailleuses et les travailleurs sont heureux et productifs ! Cela n’est bien sûr qu’une construction médiatique.

En février 2012, la chaine Schlecker fait faillite, mettant à la rue les 25 000 employé-e-s allemands – presque exclusivement des femmes – et les 17 000 à l’international. Le patron avait longtemps refusé toute activité syndicale mais avait cédé ces dernières années suite à d’âpres luttes.

Ce fut un grand succès dans un secteur ou il est notoirement difficile pour les syndicats de s’implanter. Le syndicat majoritaire est Ver.Di avec ses deux millions d’adhérents. Pendant le processus de faillite – de février à juin 2012 – le syndicat tente quelques mobilisations régionales mais priorise les négociations avec la direction pour trouver une issue. Les travailleuses mirent toute leur confiance dans les négociations. Seule une petite minorité d’entre elles prirent l’initiative de créer une dynamique par le bas en organisant des actions dans les grandes villes. Mais aucune action concertée nationalement ne permit de réunir les 25 000 travailleuses afin d’affirmer leur présence, leur combativité et le soutien de la population. Au final, cette lutte montre surtout qu’un syndicat de 2 millions d’adhérents est incapable de mobiliser massivement contre une telle faillite.

Cela met aussi en relief le rôle gestionnaire d’un syndicalisme d’accompagnement dans la crise, particulièrement apprécié par les gouvernants. Un petit groupe de travailleuses s’est néanmoins constitué en collectif et compte ouvrir des boutiques autogérées. À suivre !

Bureaucraties syndicales

L’industrie automobile en Allemagne compte des gagnants – ce sont les marques de luxe : Mercedes-BMW-Audi et Volkswagen-Porsche. Et il y a Opel-GM qui est dans la même situation que PSA-Aulnay et dont la direction prévoit la fermeture pour 2016.

Seul problème, les travailleurs d’Opel Bochum sont plutôt combatifs et le syndicat IG-Metall n’arrive pas à contrôler les travailleurs qui organisent grèves et actions sauvages. Il y a un mois, une assemblée générale organisée par la direction a trouvé son terme lorsque tous les travailleurs – environ 2 000 – ont quitté la salle par protestation, entrainant la démission du directeur de l’usine. Dans le pays tout entier, le malaise social ne cesse de croitre entre une richesse provocante et une précarisation grandissante : 20 % de la population à Berlin vit des allocations chômage et de nombreux travailleurs perçoivent un salaire mensuel inférieur à 1000 euro.

La rue comme espace de revendication

Mais les grands syndicats ne sont pas capables ou tout simplement ne veulent pas organiser la mobilisation pour défendre une revalorisation du salaire minimum. Dans différents secteurs – transports, santé – le mécontentement qui grandit à l’égard de ce syndicalisme cogestionaire entraine la création de groupes oppositionnels dans les grands syndicats et le développement des activités des syndicats de base (FAU et Wobblies). Le paysage syndical se trouve donc en pleine recomposition face à un patronat et une partie des directions syndicales, principalement IG-Metall, qui entendent limiter le droit de grève et d’organisation syndicale. Au-delà des recompositions syndicales, les populations résistent et s’organisent.

À Berlin, des tentes ont été dressées depuis juillet pour protester contre l’augmentation des loyers et dans tous les quartiers populaires de Berlin fleurissent des comités, des assemblées populaires, des actions de rue et des blocages. Le mouvement social qui s’est développé contre le projet ferroviaire Stuttgart 21 a changé le rapport de force.

Une partie de la population a découvert la rue comme lieu de protestation et un espace public oppositionnel ainsi qu’une télévision alternative ont été créés. Ça, c’est l’Allemagne dans laquelle je vis et je milite.

Willi Hajek (syndicaliste allemand)

 
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