Justice : La République contre le syndicalisme




SFR (groupe Vivendi) a décidé de frapper fort en contestant la représentativité d’un syndicat Sud au nom de la lutte contre le socialisme autogestionnaire.

On se souvient que la loi du 20 août 2008 modifiait les critères de représentativité des syndicats en conférant une grande importance à leur audience électorale et au respect par eux d’une série d’obligations. Nous n’avions pas été très nombreux à l’époque à en pointer les menaces, quand nous écrivions : « La loi […] fait désormais du respect des "valeurs républicaines" - sans plus de précision - un critère de représentativité syndicale. Or durant les débats, le rapporteur UMP, Poisson, n’a pas hésité a considérer que ces “ valeurs ” englobaient “ la défense de la propriété privée ”  ! On suivra avec attention les premières décisions de justice. » [1]

Résultat : suite à la désignation d’un délégué syndical au sein d’un de ses établissements de Massy, SFR est passé à l’attaque. La position du patron est assez simple : la fédération SUD-PTT affirme, dans ses statuts, son adhésion au socialisme autogestionnaire, système qui nie deux principes constitutionnels : la défense de la propriété privée et la liberté d’entreprendre.

La Ligue des droits de l’homme a estimé dans un communiqué du 1er décembre que SFR semble confondre les « valeurs républicaines » avec les intérêts patronaux. Quant à la fédération SUD-PTT, elle a réaffirmé le droit du syndicalisme de transformation sociale à exister.

Ce sont la CGT et la CFDT qui avaient introduit cette notion dans la « position commune » du 9 avril 2008 [2]. En concoctant la loi du 20 août 2008, le pouvoir avait élargi la brèche. Les parlementaires avaient négligé la définition qui en était donnée dans la position commune (« respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance »). Ils avaient préféré maintenir l’équivoque, laissant de facto aux juges le soin, au premier litige, de déterminer ce qu’il fallait entendre par « valeurs républicaines ». Réponse donc le 22 janvier avec la décision du tribunal d’instance de Longjumeau dans l’affaire SUD-SFR.

Historiquement, le syndicalisme s’est toujours défini par ses propres orientations, son projet, la défense des intérêts de classe de ses membres, etc. En acceptant de soumettre le syndicalisme à des valeurs extérieures au syndicalisme, la CGT et la CFDT ont aidé les réactionnaires de tous poils à le normaliser.

Dans le passé, le syndicalisme avait résisté à cette soumission. Le 13 janvier 1921, par exemple, le Tribunal correctionnel de la Seine ordonna la dissolution de la CGT. La bourgeoisie n’osa faire exécuter le jugement et la CGT finit par gagner en appel. La bourgeoisie, cependant, restait mobilisée. Dans un éditorial du 30 novembre 1938, jour de grève générale à l’appel de la CGT, le quotidien républicain L’Ouest-Eclair appelait en ces termes l’État à la fermeté : « La loi pour tous. On ne saurait tolérer deux pouvoirs entre lesquels les citoyens pourraient choisir. Ceux qui refusent d’admettre ces vérités élémentaires préparent inconsciemment anarchie et guerre civile. » Tout est dit.

Thierry Renard (AL Transcom)

[1Lire AL de septembre 2008.

[2La « position commune » Medef-CGPME-CGT-CFDT indiquait au gouvernement la réforme souhaitée en matière de représentativité syndicale.

 
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